lundi 1 décembre 2014

Histoire de France - A notre chère disparue -- Patrik Ouředník


I

Nous comparons ce que l'instituteur nous apporte avec ce que la prière peut nous apporter. Eh bien ! il nous apporte davantage.

C'est l'instituteur qui nous a appris à lire et c'est utile dans la vie. Il nous a appris à compter, ce qui est plus utile encore.

(...)





Dès les premières lignes, on se dit qu'on a affaire à des "feuilles tombées" d'Europeana, une brève histoire du XXème siècle, ou plutôt de Galliceana, une brève histoire du XIXème siècle ; mais on reste sur ses gardes, on connaît l'habileté de Patrik Ouředník et cet auto-pastiche pourrait bien receler un double-fond. L'ouvrage est bref, on note bien sûr quelques différences avec Europeana : le point de vue est celui, plus personnel, de l'élève-citoyen et pas celui, parfaitement désincarné, de la "particule-panéliste", c'est bien encore une conjonction de coordination qui articule ce curieux discours mais ce n'est plus le "et" des discours enfantins, c'est le "mais" de la dialectique, dialectique qui tourne à vide, comme autour de "tout est dans tout mais réciproquement". 


Bataille de Soissons. Baptême de Clovis
BnF, Manuscrits, Français 2609, f.18
(source)


Et puis vient le douzième chapitre et on comprend qu'il n'y avait pas de double-fond, qu'il fallait tout prendre au pied de la lettre, en commençant par le titre, et, simplement, lire, qu'à sa façon si élégante, Patrik Ouředník venait de déposer "en creux" sa contribution aux commémorations de la Grande Guerre en faisant entendre comme lui seul pouvait le faire ce "bruit parmi ceux d'un monde / où l'oiseau chantait / sur la pierre du seuil" (Jean Follain, Vie).





XII

Dans l'ancien temps on pensait que les malheurs arrivaient en témoignage de l'indignation et de la fureur de Dieu, lequel envoyait des fléaux et des calamités de toute sorte afin que les gens soient plus religieux. Nous savons aujourd'hui que ce ne sont là que balivernes. Mais le destin, lui aussi, peut parfois jouer un mauvais tour. Il arrive dans la vie d'un homme des choses si méchantes et si pitoyables, si cruelles et si inattendues qu'il est impossible de les imaginer. La littérature, la Poésie elle-même ne pourra jamais exprimer toute cette abomination.




(Patrik Ouředník, Histoire de France - A notre chère disparue, Allia, 2014)