mardi 4 novembre 2014

Le jour aux trousses -- Ilse Aichinger



ORTSANFANG

Ich traue dem Frieden nicht,
den Nachbarn, de, Rosenhecken,
dem geflüsterten Wort.
Ich hörte,
daß sie die Haüte an die Schlinge legen,
daß sie die Bänke kippen vor dem Winter,
ihre Jauchzer flogen
zum Schlaf gerüstet
durch Schul- und Kirchenhaüser
auf und fort.
Wer erwartet noch die Vögel,
die bleiben,
den Rauch übers kurze Gras ?



ENTRÉE DU HAMEAU

Je ne me fie pas à la paix,
aux voisins, aux haies de roses,
à la parole chuchotée.
On dit
qu'ils prennent les peaux au collet,
renversent les bancs avant l'hiver,
j'ai entendu leurs cris de joie
fuser,
prêts pour le sommeil,
à travers écoles et chapelles.
Qui espère encore les oiseaux
qui restent,
la fumée retombée sur l'herbe rase ?


 


ORTSENDE

Das Dorf streicht weg,
gebt ihm den Abschied,
ermattet und zergraben
laßt es liegen,
so, bleischwer,
die Traufen offen, trocken,
von der Sonne festgerammt,
nichts hoch am Himmel,
die letztz Schabe,
die vor der Sintflut
ohne Noah Rettung fand,
kriecht in den Trümpel,
der neue Zöllner lacht.



SORTIE DE HAMEAU

Le village s'en va,
dites-lui au revoir,
épuisé, creusé de toute part,
laissez-le ainsi,
dans sa lourdeur de plomb,
les gouttières béantes, à sec,
crucifié de soleil,
rien là-haut dans le ciel,
la dernière punaise,
qui a su échapper au déluge
sans l'aide de Noé,
se glisse dans la mare,
et le nouveau douanier de rire.




Impossible de lire Ilse Aichinger sans penser lire un recueil de comptines des pays perdus. 

Dans l'introduction très personnelle qu'elle donne à sa traduction des poésies complètes d'Ilse Aichinger, sous le titre Le jour aux trousses (Orphée La différence, 1992), Rose-Marie François offre bien d'autres pistes de lecture, dont celle-ci, prise à Ilse Aichinger, justement, lectrice de Nelly Sachs : "Elle encourage chaque fois le lecteur attentif à renouveler la tentative de traduire son mutisme en silence, en ce silence engagé sans lequel ni la langue ni la conversation ne sont possibles"




DREIZEHN JAHRE

Die Laubhüttenfest ist weit,
der Glanz der Kastanien,
aufgereiht am Fenster des Gartenhauses.
Und noch im Raum
die Kerze
die Religionen der Welt.

Der Wüstenstaub unter Fahradschlauch.
Nach diesem Mittag
kommt die Dämmerung schneller.
Die Gefährten
und ein grünes Grab,
Rajissa.

Wir kommen abends wieder,
wir kommen nimmermehr.



TREIZE ANS

Elle est loin, la fête des tabernacles,
l'éclat des châtaignes
rangées devant la fenêtre du jardin.
Et dans la pièce encore
le cierge,
les religions du monde.

Poussière du désert sous le pneu du vélo.
Après ce midi,
le crépuscule vient plus vite.
Les compagnons
et une tombe verte,
Rajissa.

Nous reviendrons le soir,
nous ne viendrons jamais plus.





Plus sur Ilse Aichinger, ici.
Sur le couple que formèrent Gunter Eich et Ilse Aichinger, on peut lire la belle étude Begegnungen in der Dichtung de Christine Lubkoll dans Bi-Textualität : Inszenierungen des Paares édité par Annegret Heitmann,Sigrid Nieberle,Barbara Schaff et Sabine Schülting (Erich Schmidt Verlag, 2001)