vendredi 25 novembre 2011

Corrigeons ...




Je suis couché sur la bat-flanc et tout ce qu'il y a de vivant en moi qui suis à demi-mort, c'est ma foi : l'histoire des hommes, c'est l'histoire de la liberté. L'histoire de toute la vie, depuis l'amibe jusqu'au genre humain, c'est l'histoire de la liberté, le passage d'une moindre liberté à une plus grande liberté, et la vie elle-même est liberté. Cette foi me donne de la force et je caresse cette pensée qui se cache dans nos haillons de prisonnier : "Tout ce qui est inhumain est insensé et inutile."
Alexis Samoïlovitch m'écoute, moi, le demi-mort, et me dit :
- Ce n'est là qu'une illusion pénible. L'histoire de la vie, c'est l'histoire de la violence invaincue, insurmontée. La violence est éternelle et indestructible. Elle se transforme mais ne disparaît pas et ne diminue pas. Le mot histoire a été inventé par les hommes. Il n'y a pas d'histoire. L'histoire ? C'est de l'eau que l'on pile dans un mortier. L'homme n'évolue pas de l'inférieur au supérieur. L'homme est immobile comme un bloc de granit. Sa bonté, son esprit, sa liberté sont immobiles. L'humain ne s'accroît pas dans l'homme. Quelle est donc l'histoire de l'homme si sa bonté est immobile ?


in Vassili Grossman, Tout passe, traduit par Jacqueline Lafond à L’Âge d'homme (1984)

(c'est moi qui souligne)