mardi 26 avril 2011

On en a marre de la politique antisociale du gouvernement !


En version originale :








Czas działać ! Zanim zostaniesz pozbawiony mieszkania, pracy, służby zdrowia, edukacji i środków do życia - pozbaw władzy tych, którzy do tego doprowadzili. Strajkuj, blokuj urzędy, organizuj akcje solidarnościowe z oszukanymi pracownikami !



ZATRZYMAJ OFENSYWĘ WŁADZY !
27-28 MAJA - WARSZAWA



Les échos du silence -- Sylvie Germain


Et, comme le fou criant à Lear chassé par sa fille : "M'n'oncle Lear, m'n'oncle Lear, attends-moi / emmène ta folie !" (Acte 1, sc. 4), c'est ce qu'il convient de dire au fond de soi à ce Dieu de silence et de dépouillement qui erre à travers toute la terre, se blesse au tranchant des jours sombres de l'Histoire, qui va on ne sait où : "Attends-nous, emmène ta folie!"

Tous les justes, les martyrs, les transparents que sont les humbles ardés de sainteté, n'ont jamais dit autre chose : - Attends-nous, emmène tes folles et tes fous sur la trace de tes pas invisibles essaimés dans l'épaisseur du temps comme autant de caresses.

 *
* *

"Vint, vint.
Vint une parole, vint,
vint à travers la nuit,
voulut luire,voulut luire."

Et quand bien même la parole resterait à jamais enfouie dans la nuit, ne parviendrait pas à luire, le fait de l'avoir attendue, d'avoir profondément désiré son surgissement, son bruissement, suffit déjà à éclairer cette nuit noire, - d'un halo minuscule, soit, mais porteur d'espérance.



(in Sylvie Germain, Les échos du silence, Desclée de Brouwer (1996))


Józef Szajna (qui ça ?)
(Rzeszów 1922 - Warszawa 2008)
Replika (photo de plateau)


Un livre qui tisse très serré Job, Celan, Simone Weil et Shakespeare ; le livre qui me fit découvrir Etty Hillesum (Une vie bouleversée, Journal 1941-1943, Seuil (1985)).

En écho à l'extrait ci-dessus, à cette image du Dieu-Lear aveuglé et errant, il faudrait retrouver certains poèmes de Jacob Glatstein (Yankev Glatshteyn ; né à Lublin en 1896 (de mémoire  "Au mont Sinaï, nous avons reçu la Torah / A Lublin, nous l'avons rendue." ... à Lublin, comprendre à Majdanek), sa famille émigre aux Etats-Unis en 1914 ; il meurt à New York en 1971).


06/05/2011

Retrouvé !
 Mais que faisait ce livre entre Ariel (Sylvia Plath) et sa traduction polonaise, là, mystère !


"Le pendule du monde est le cœur d'Antigone" -- Marguerite Yourcenar


La nouvelle Antigone ou le choix, extraite du recueil Feux (1936 ; disponible dans la collection L'Imaginaire / Gallimard).









Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.


"La ville sans pitié ignore les crépuscules : le jour noircit d'un coup, comme une ampoule brûlée qui ne verse plus de lumière : si le roi levait les yeux, les réverbères de Thèbes lui cacheraient maintenant les lois inscrites au ciel. Les hommes sont sans destin, puisque le monde est sans astres."

lundi 25 avril 2011

La Tour Rose -- De Chirico



Giorgio de Chirico
La Torre Rossa (1913)



La Tour Rose de Chirico, à l'exposition Guggenheim de l'Orangerie. Plusieurs éléments parfaitement distincts  concourent au déclic que le tableau opère dans l'imagination.  La très légère incurvation convexe du sol de la place, incurvation cosmique, qui est celle de la courbure de la sphère, et qui étend à l'infini, par ce simple raccourci expressif, le champ ouvert par le tableau. Le centrage lumineux rigide qui exalte la majesté du tableau : toute la lumière est pour le rose du couchant qui se pose sur la tour, au milieu exact de la toile. L'équivalence, instable, qui s'établit pour l'esprit entre le rose du crépi et le rose du couchant : elle laisse pressentir que le monument, suscité par une qualité exigeante de l'éclairage, ne se manifeste vraiment qu'à une certaine heure élue, sous la forme exclusive de l'apparition. La compression, la réduction emblématique de la ville, figurée jusque sur ses confins par des attributs qui sont, électivement, ceux de son centre monumental (les arcades et les statues équestres), tandis que le fond de la place, avec ses chaumières accolées à la tour, est déjà entièrement campagnard ; au travers de cette place aux dimensions imprécises, qui est déjà un no man's land, on franchit une frontière onirique qui fait du tableau dans sa profondeur un tableau mi-parti, un battement de porte entre deux mondes, saisi dans l'immobilité irréelle du rêve éveillé.


(in Julien Gracq, Carnets du grand chemin, Corti 1992)


Musardé toute la journée en compagnie de Gracq (les Manuscrits de guerre de Louis Poirier / Julien Gracq qui viennent de sortir chez Corti, en particulier, mais aussi, car la guerre y mène, Le rivage des Syrtes, Un balcon en forêt et ces Carnets du grand chemin) ... au lieu de couper le bois ! Bah, l'hiver est encore loin.



samedi 23 avril 2011

Under a double moon -- Joe McPhee, Chris Corsano


Enregistrement d'un concert mémorable aux Instants Chavirés !
 



Disponible sur Roaratorio (14€ chez Metamkine) ; chaudement recommandé !

jeudi 21 avril 2011

Calpestare l'oblio -- Piétiner l'oubli

 
Caro amico e lettore,
a questo link troverai la versione definitiva dell’e-book Calpestare l’oblio, cento poeti italiani contro la rimozione della memoria repubblicana, della cultura e della poesia nella società dello spettacolo italiana.

Cher ami et lecteur,
en suivant ce lien tu trouveras la version finale du livre électronique Calpestare l'oblio, cent poètes italiens contre l'effacement de la mémoire républicaine, de la culture et de la poésie dans la société du spectacle italienne.





La suite ici et, en passant, un lien vers la Gru, site dédié "à la poésie et au réel" (tout en italien).


mercredi 20 avril 2011

Abracadabra ...


Voilà le genre de site qui me remplit d'admiration et, maintenant, de crainte, à la pensée qu'il pourrait disparaître ! 

Traductions de poèmes vers l'anglais depuis le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol ...  sans oublier la rubrique "autres langues" où le polonais a fait son petit nid (avec des caractères parfois un peu "curieux" pour la version originale) à côté des autres vilains petits canards.
La présentation chronologique des poètes traduits permet de se persuader qu'on n'a pas là que les classiques d'entre les classiques (ce qui serait déjà fort honorable). 

Le corpus est tel que je ne l'ai que survolé et encore, à peine.


  
Au passage, Ewa Lipska (oui, c'est Ewa, avec un "w" ... bon, on ne va pas chipoter) :



MOI TŁUMACZE
Eva Lipska

Moi tłumacze. Oni. Mój ciąg dalszy.
Moja - Ich
sterta czasu na stole.
Konfitury słowników.

Poranek w cyrylicy
w zamszowej germańskiej mgle.
Romańska antylopa
na skraju mojego wiersza.

Moje - Ich
podróże.
Jeszcze ścieżka á rebours
bez żadnego powodu.

Transplantacja słów
moich chirurgów. Ich.
Nie do przełożenia
na ten krótki poemat.

A ja
kocham się w tylu językach naraz.
Literka za literką wchłaniam wilgoć w Nässjö
spotykając w lesie moje nieślubne wiersze.

Moje - Ich
głosy. Wahania zza książek.
Przepowiednie z przepaści stron.
Startujące sylaby z Heathrow.

Coś po mnie odziedziczą?
Mój lęk? Mój apetyt
na wszystko co przemija?
Na dekolt łąki? Fioletowe pola ametystów?

Kiedy wokół
moja - ich
nieszczelna rzeczywistość. Raj dla hakerów
plotkarzy i polityków.






MY TRANSLATORS
tr. Ryszard J. Reisner

My translators. They. My next part.
My - Their
stack of time on the table.
Preserves of dictionaries.

Morning in Cyrillic
in a velvet German fog.
Romance antelope
on the edge of my poem.

My - Their
journeys.
Still a path à rebours
for no reason at all.

Transplantation of words
by my surgeons. Their.
Not translatable
into this short epic poem.

And I
make love in so many tongues at once.
Letter by letter absorb the damp in Nässjö
meeting in the forest my out of wedlock poems.

My - Their
voices. Hesitation beyond books.
Prophecies from the abyss of pages.
Syllables taking off from Heathrow.

Will they inherit something from me?
My fear? My appetite
for everything that passes?
For a cleavage of meadow? Violet fields of amethysts?

When all around
my - Their
unsealed reality. Paradise for hackers
gossips and politicians.







"Konfitury słowników" ... "Confitures de dictionnaires" ! 
Voilà un résumé lapidaire et un peu irrévérencieux (quand même) du travail du traducteur.


mardi 19 avril 2011

Méditations à Saint-John Perse -- Patrick Chamoiseau


Extrait :



7
Je vous ai rencontré il y a longtemps. En ces époques de nos luttes adolescentes contre le colonialisme. La Négritude, alors, nous était nécessaire. Elle affermissait nos poings. Elle diminuait nos incertitudes. Elle nous dessinait de fortes convictions et d'augustes vérités. Nous n'avions pas besoin de vous en ce temps-là. Vous étiez de l'autre côté. Et votre éclat même, la force de votre dire, nous les rangions dans le sillage des dédaigneux conquistadores. Entre mes mains, vos livres sont longuement demeurés endormis. Ils attendaient que je me construise.
 
8
Nous vous opposions à Césaire. Césaire était l'esclave en lutte. Et vous étiez le Maître. Cela créait les pôles d'une dynamique stimulante. Nous avions besoin de ces lectures très pauvres qui servaient de combustible aux luttes que nous menions. Nous ne savions pas à quel point cette lecture appauvrissait Césaire tout autant qu'elle vous appauvrissait. Nous n'avions pas compris que, chez de grands poètes, placés par le malheur dans une terre coloniale, le témoignage serait toujours entier. J'ai appris à ne rechercher ni l'esclave, ni le Maître, mais à questionner nos humanités dans leurs grandeurs et leurs abîmes, confrontées à l'esclavage et la domination. Perse, il y a de l'esclave en vous. Il y a du Maître, chez Césaire. C'est pourquoi, tous les deux, vous témoignez à votre manière d'un état de l'humaine condition.
 
9
Je vous ai oublié en des temps de nouvelles certitudes. Je différais l'Afrique pour plonger en moi-même, dans un pays natal qui ne serait pas fait des terres que nous avions perdues. Un pays natal qui serait autre chose. Je plongeais en moi-même à la recherche d'une racine majeure. De ces cavernes intimes, je ne ramenai que le trouble, l'obscur et l'incertain d'une grande diversité. Le monde lui-même, entrait autour de nous dans d'inédites poussées, qui renversaient nos anciens murs et nos vieilles cathédrales. Nous devions apprendre à vivre et à penser le fluide, le trouble, le rapide, l'incertain, le mobile incessant de ce que nous étions. Et c'est là, que je vous retrouvai.
 
10
Saint-John Perse, je vous relis maintenant. C'est comme vous lire dans une autre liberté. Avec d'autres soucis et d'autres exigences. Maintenant que mes quarante ans pèsent, vous m'accompagnez avec Glissant, avec Char, avec Villon, avec Rabelais, avec tous ceux qui aujourd'hui m'aident à vivre l'énigme nouvelle de la Pierre-monde. Je vais aux périls de votre verbe, à ses dangers, et aux risques que vous prenez; je verse dans vos réussites, je m'abreuve à vos mystères; et j'en ramène ce sentiment d'admiration qui, dans nos terres dominées, est pour moi à la base de tout acte créateur. 





Si vous êtes parvenus jusqu'ici, vous savez ce qui vous reste à faire : le texte entier est ici !

Le site tout entier regorge de trésors ... au hasard (presque).

Dyrygent -- Jacek Podsiadło


Chmury, poszarpane pudła greckich gitar,
rozstąpiły się przed cienkimi smyczkami słońca.
To Prawda, był tam :
mały liść przylgnięty do wilgotnego asfaltu.

85.06.16
in Nieszczęście doskonałe
 

Le chef d'orchestre

Les nuages, caisses échancrées de guitares grecques,
s'étirent aux fins rayons du soleil.
Je le jure, c'était elle :
la petite feuille agrippée à l'asphalte humide.




Reiner Kunze

Silberdistel
Sich zurückhalten
an der erde

Keinen schatten werfen
auf andere

Im schatten
der anderen
leuchten

in Ein tag auf dieser erde (1998)





Chardon argenté
S'en tenir
à la terre

Ne pas jeter d'ombres
sur d'autres

Être
dans l'ombre des autres
une clarté

in Un jour sur cette terre
traduit par Mireille Gansel
2001, Cheyne éditeur


Deux autres poèmes de ce poète d'origine est-allemande, traducteur de Holan et héritier de Peter Huchel, de trente ans son aîné, ici.

Sur Huchel, Kunze et le travail de Mireille Gansel, voir ici.






En parlant de chardons et de Huchel :





Unter der Wurzel der Distel


Unter der Wurzel der Distel
Wohnt nun die Sprache,
Nicht abgewandt,
Im steinigen Grund.
Ein Riegel fürs Feuer
War sie immer.


Leg deine Hand
Auf diesen Felsen.
Es zittert die starre
Geäst der Metalle.
Ausgeräumt ist aber
Der Sommer,
Verstrichen die Frist.


Es stellen
Die Schatten im Unterholz
Ihr Fangnetz auf.

in Chauseen (1963)





Sous la racine du chardon

Sous la racine du chardon
Habite maintenant la langue,
Non écartée,
Dans le sol pierreux.
Elle a toujours été
Un verrou pour le feu.
Mets ta main
Sur ces rochers.
Le branchage glaçé du métal
Tremble.
Cependant, l'été 
Est vidé,
Le délai, aspiré.

Les ombres 
Posent les filets
Dans les sous-bois.

in Peter Huchel
La tristesse est inhabitable
traduit par Emmanuel Moses
Orphée/La Différence



La différence de ton entre Huchel et Kunze éclate dans ces deux poèmes : Kunze a hérité de l'acuité du regard et de la précision discrète de Huchel mais sans la lassitude inquiète, l'arrière-plan toujours sombre, l'omniprésence des teintes crépusculaires (caractéristique du  dernier Huchel, l'après-guerre et surtout les poèmes d'exil, mais ce ton perce déjà avant-guerre).


samedi 16 avril 2011

L'étang de la soif -- Hassan Abdallah Al-Qorachi


Il lit sur les visages
un journal absurde
le miroir d'êtres creux
regards, désirs difformes
image de déshonneur
aux couleurs criardes
pour ce temps de faussaires

                    -

Il regarde la troupe bêlante
qui s'avance sous le fouet des flammes
cravachée par les loups aux robes fauves
il danse dans le feu, ivre
fasciné comme le papillon

                    -

Quand s'éveillera -t-il
le prisonnier qu'emporte dans l'abîme
la houle de la détresse ?
Quand changera-t-il
l'homme
quand donc levant l'opprobre
jaillira-t-il
en profusion de dons ?





(extrait de Cravaches des loups fauves, in Qorachi, L'étang de la soif, bilingue, traduit de l'arabe par Samia Akel et Abbias Torkey, en collaboration avec Mohammed Oudaimah, pour Arfuyen, 1989)


 Dans le même recueil :



Sur les ombres de l'exil

Étranger
et cette fumée
et notre nuit et l'insomnie sur les paupières
le tumulte des désirs
Engloutis, paralysés par les visions de torture
dévorés par les pirates
Puis les vagues succédant aux vagues
les lanternes blafardes
le brouillard lourd, persistant, ironique auprès des cavernes
Un astre absurde
des objets colorés, dispersés
contraires à leur nature
Je pars à la dérive
le déluge me ramène à moi
la cendre me jette sur des miroirs de tristesse
le bourreau est ivre de sa chasse
et sourit aux victimes qui défilent sur les trottoirs du passé
parmi les ronces de la honte
sous les carcasses des corbeaux
des victimes qui se hâtent vers le non-retour

Étranger
sur les fleuves du soir voguant sans barque
Jusqu'au fond plonge le prisonnier
Le soleil perce derrière son voile
regarde et disparaît
La clarté s'évanouit
le voile se résorbe
À ses oreilles
le bavardage des égarés
ralentit, reflue
dans l'obscurité de l'océan
Pas de flûte en ses mains
pas de luth ni de cithare
Les vents murmurent-ils
sous le souffle des ombres de l'exil ?

Étranger
il mâche la braise
il pousse son cheval vers les sources des douleurs
des soupirs
les grand'places refoulent sa monture
Il a soif. Le mirage est son eau
Les gémissements sa nourriture
Il vit comme si la folie de la chaleur lui était fraternelle
et le désespoir le seul pont qui mène aux oasis
La paix l'a quitté
il s'est égaré dans les hauteurs de la ville
lassé de trop de patience
La tempête a soufflé sa tente
dans ses yeux embrumés
les nuages ont voilé les versants des montagnes
et les forêts se sont brouillées

Et toi
toi, murmure des âges
flot des chants
j'ai dit ton nom, j'ai forcé ton écho
Les murs ont volé autour de moi
J'ai dit ton nom
rêvé de tragédie et de mort
Au portail des douleurs
J'ai dit ton nom
en ma soif d'aube
de pluie
d'amitié
échoué sur les rivages
J'ai dit ton nom
et ton souvenir est un fleuve
qui inonde les herbages
arrose l'ardente soif des étangs
J'ai dit ton nom
toi, destin de l'étranger
Dans l'arène des privations
toi, fil de lumière vers moi tendu
en flammes traversant l'horizon
retirant le linceul des ténèbres

Étranger
Mon exil est ma fatigue
avortement, départ
sans retour
Étranger
il a vécu attendant le train
sur le pas de sa porte
 

vendredi 15 avril 2011

Vittorio Arrigoni (1975-2011)


Recandomi verso l'ospedale di Al Quds dove sarò di servizio sulle ambulanze tutta la notte, correndo su uno dei pochi taxi temerari che zigzagando ancora sfidano il tiro a segno delle bombe, ho visto fermi ad una angola di una strada un gruppo di ragazzini sporchi, coi vestiti rattoppati, tali e quali i nostri sciuscià del dopoguerra italiano, che con delle fionde lanciavano pietre verso il cielo, in direzione di un nemico lontanissimo e inavvicinabile che si fa gioco delle loro vite. La metafora impazzita che fotografa l'assurdità di questa di tempi e di questi luoghi.

En me rendant à l'hôpital Al Quds, où je devais participer toute la nuit au service d'ambulances, à bord d'un des rares taxis téméraires qui zigzaguent toujours, en défiant les points d'impact des bombes, j'ai vu un groupe d'enfants sales, avec des vêtements rapiécés au coin d'une rue, exactement comme les gamins cireurs de chaussures dans notre Italie d'après-guerre, qui, avec leurs lance-pierres, tiraient en direction du ciel vers un ennemi distant, inapprochable, qui joue avec leurs vies. C'est une métaphore démente, qui capture l'absurdité de ce lieu et de ce moment.

(extrait d'un article pour Il manifesto du 8 janvier 2009, en partie traduit ici)


guerilla radio a cessé d'émettre ; il est encore temps de lire Gaza Restiamo Umani (traduit en anglais, en espagnol et en allemand mais pas en français, je crois).

20/04/2011
Si, si, en français aussi ! Rester humain à Gaza (quelques extraits ici).






Tanti saluti dai fiumi

Tutti i fiumi al mare vanno.
Incontrandosi que diranno ?
"Vengo da Londra. Mi chiamo Tamigi."
"Piacere. La Senna di Parigi."
"Dov'è il Tevere ?" - "Sto qua !"
"Attenti que arriva il Paranà ..."
Il Reno e il Nilo, l'Indo et il Giordano
si fano l'inchino e il baciamano.
Il fiume Giallo e il fiume Azzurro
salutano il Gange con un sussurro.
Il mare adesso rimescola l'onde,
Il Colorado col Volga confonde,
cancella i nomi, ne fa solo un mare ...
dove i delfini vanno a giocare.

(in Gianni Rodari, Il secondo libro delle filastrocche, Einaudi (1985))


Parce qu'il faut bien croire, malgré tout, que les petits ruisseaux feront  un jour de grandes rivières.


jeudi 14 avril 2011

Toujours de la lecture ...


Deux blogs (anglophones) d'un même auteur :


Très chaudement recommandé tous les deux et surtout le second, consacré au cinéma auquel j'emprunte l'image ci-dessous, extraite d'Oratorio pour Prague de Jan Němec :





mercredi 13 avril 2011

"Nous avons peur d'eux, parce qu'ils sont différents. Et nous ne voulons pas qu'ils nous ressemblent, parce qu'alors ils viendront chez nous." -- Andrzej Stasiuk




 dessin de Patrick Chapatte

Oui, je me souviens de la solitude au temps du communisme. L'Occident nous observait avec un intérêt très limité et, surtout, avec la crainte que notre drame, notre tragédie, Dieu nous en garde, pût franchit nos frontières. L'Histoire se répète. Une fois de plus, nous regardons de loin ceux qui désirent changer leur destinée et sacrifient leur vie, et nous n'avons rien à leur offrir. Nous avons peur d'eux, parce qu'ils sont différents. Et nous ne voulons pas qu'ils nous ressemblent, parce qu'alors ils viendront chez nous.

Mémoire impitoyable, refus des échappatoires faciles ; Andrzej Stasiuk, égal à lui-même, dans un article au Neue Zürcher Zeitung (traduit dans Courrier International n°1066).


Pour les polonophones (mais ils connaissent sûrement), le site de Czarne, la maison d'édition que dirige Stasiuk depuis son nid d'aigle (de corbeau serait plus approprié !) des Beskides. Pour les francophones, certains livres de Stasiuk sont disponibles chez Bourgois.

mardi 12 avril 2011

En n'attendant Hulot ...


En apparence, les technologies de communication avancées ont simplement pour effet de faciliter la diffusion de l'information sur une échelle bien plus large qu'auparavant, sans déterminer par avance, de quelque façon que ce soit, le contenu de cette information. Si les techniques de reproduction mécanique de la culture permettent aux annonceurs de toucher des millions de consommateurs grâce à une annonce publicitaire de trente secondes, ou donnent accès aux politiciens en place à un électorat de masse, elles devraient se prêter elles-mêmes presque aussi facilement, croient certains, à la diffusion de messages à caractère subversif. Mais l'expérience récente ne confirme pas cette idée. Au cours des années soixante, les radicaux ont cherché à utiliser l' "attention de l'opinion publique que nous avons maintenant à notre disposition pour ce qu'elle vaut", comme l'affirmait un dirigeant du SDS (1), mais ils se sont aperçus que l'attention que leur portaient les médias transformait la nature même de leur mouvement (2). En espérant manipuler les médias à ses propres fins, le SDS finit par se retrouver dans l'obligation de servir les intérêts des médias. Todd Gittin a analysé en détail ce processus. Il démontre de quelle manière "les médias choisissaient en vue de les rendre célèbres" les dirigeants du mouvement "qui correspondaient le plus fidèlement à ce que doit être un dirigeant d'opposition pour être conforme à ce que les clichés préfabriqués attendent de lui." Il montre comment la propension à la confrontation dramatique et à la violence, qui est inhérente aux médias, commença à guider les choix tactiques et stratégiques du mouvement, encourageant le remplacement de la posture radicale par la posture militante, la multiplication de plus en plus rapide des actions théâtrales, ainsi qu' "une recherche auto-mystificatrice de la révolution." Il montre de quelle façon la recherche par les médias des porte-parole les plus "visibles" et les plus hystériques influença, non seulement les choix tactiques du mouvement, mais également sa structure, comme en témoigne la place accordée à des figures aussi célèbres que Mark Rudd, Jerry Rubin et Abbie Hoffman - figures tragi-comiques de la contre-culture, qui n'avaient reçu de délégation de pouvoir de personne mais qui en vinrent à être considérés comme des porte-parole de la gauche. Ce n'est pas seulement dans la façon dont ils parlent de la gauche, mais dans leur manière de parler de la politique en général, que les médias de masse contribuent à substituer, pour reprendre les termes de Gitlin, "à une autorité authentique fondée sur la valeur réelle de la personnalité, son expérience, son savoir et son aptitude" une forme nouvelle de pseudo-autorité s'appuyant sur la célébrité (3).

(1) Le SDS (Students for a Democratic Society) fut au cours des années soixante - et particulièrement pendant la guerre du Vietnam - l'un des principaux mouvements universitaires contestataires. (NdT)
(2) Paul Booth cité par Todd Gitlin, The Whole World is Watching : Mass Media in the Making and Unmaking of the New Left, Berkeley, University of California Press, 1980, p. 91.
(3) Todd Gitlin, The Whole World is Watching, op.cit, pp. 149,155 et 160.




Extrait du très classique essai de Christopher Lasch (1932-1994), Mass Culture reconsidered,  1981, traduit par Frédéric Joly chez Climats (Culture de masse ou culture populaire ?, 2001) avec un (excellent) avant-propos de Jean-Claude Michéa.
Ceux qu'une recension très précise du livre de Todd Gitlin The Whole World is Watching intéresse peuvent aller lire ici sans hésiter.



Allez vous étonner après cela que José B. et Daniel C-B. soutiennent Nicolas H. !

vendredi 8 avril 2011

Le terrier -- Franz Kafka


Un des derniers textes de Franz Kafka, laissé inachevé à sa mort en 1924, encore que cet inachèvement n'apparaisse guère à la lecture : la suspension sur un "Aber alles blieb unverändert." fait une chute parfaite à ce texte. on sait seulement que Kafka avait rédigé puis détruit une "fin" plus explicite où le narrateur rencontrait finalement son adversaire. L'absence d'un tel dénouement dans la version conservée, absence qui ne peut que renvoyer le narrateur (et le lecteur) au début du texte n'en souligne que mieux le caractère circulaire du sentiment de panique qui l'anime.

La notice wikipedia est excellente (voir aussi ici).

Si j'ai été relire ce texte, ce n'est pas seulement pour le plaisir assez pervers de se sentir aspiré dans une âme affolée, tétanisée par la panique dont chaque tentative de défense ne fait que révéler potentiellement sa présence à un adversaire inconnu et dont rien ne permet d'affirmer vraiment les intentions : au-delà de la parabole personnelle, au-delà de la destruction du yiddishland, ce continent où la discrétion (cet autre nom, plus réaliste s'il est moins acceptable, de l'intégration) semblait gage de sécurité, c'est surtout pour ce qu'il nous révèle de l'issue forcément fatale de l'enfermement paranoïaque derrière des murailles ou au fond de bunkers toujours plus gigantesques, que ces refuges soient des constructions de béton ou des constructions mentales.

Le déni de réalité est un des ces bunkers ; il résiste même à tout surcroît de réalité comme nous le rappellent les réactions (on devrait plutôt dire l'absence de réactions) au désastre de Fukushima : c'est loin, tout ira bien ... si on n'en parle pas, tout ira bien ... si on n'en parle pas, cela n'existe pas ... mais pourtant, quelque chose rôde ... n'en parlons surtout pas, cela pourrait faire irruption dans le terrier douillet de notre civilisation.


Pour ceux qui souhaitent lire la version originale, elle est accessible en ligne ici.


Il existe de multiples traductions françaises (Le terrier est la dernière nouvelle du recueil La Muraille de Chine) ; je connais celle d'Olivier Mannoni pour les Carnets de L'Herne (2009) et celle de Dominique Miermont aux Mille et Une Nuits (2002).



mercredi 6 avril 2011

Winter's bone -- Debra Granik (bis)


Revu hier ; rien à retirer à ce qu'on en avait dit ici : courrez voir tant qu'il est encore temps ce film qui dresse un portrait très sombre de la "fusion" du rêve américain, ou plutôt de la "scène primitive" de l'imaginaire américain. La petite maison dans la prairie, mais après l'explosion de la méthamphétamine, en quelque sorte, encore que la meth soit plus le symptôme que la cause. 





 Et un grand merci à l'équipe de La Salamandre à Morlaix pour sa programmation !

dimanche 3 avril 2011

"Les cons, ça ose tout. C'est même à cela qu'on les reconnaît." -- Michel Audiard


C'était évidemment prévisible et j'y faisais allusion plus tôt mais là, j'en suis baba ; je ne pensais pas que cela viendrait si vite et sous une forme si "pure".

Extrait d'un article du Tokyo Shimbun, publié par Courrier International (n°1065, cette semaine) :

"Ce genre de tsunami ne se produit qu'une fois tous les mille ans. D'ailleurs, il est admirable de constater que les centrales ont pu résister à ce point au séisme", Hirosama Yonekura, président du Keidanren (syndicat patronal des entreprises japonaises) dixit.

On passera sans s'étonner outre mesure sur l'ignorance crasse dudit patron des patrons (le tsunami consécutif au séisme du Sanriku en 1896 a provoqué des vagues d'une hauteur supérieure - et de beaucoup pour certaines : 38 mètres à Ryori, préfecture d'Iwate) ; on relèvera vaguement que l'adjectif "admirable" ne paraît pas exactement approprié. 

On se contentera ici de souligner, un rien incrédule, l'exact parallélisme avec une déclaration de Lloyd Blankfein (Goldman Sachs en chef) qu'on avait appréciée à sa juste valeur en son temps.


Dans le même ordre d'idée, ici : «Je pense que nous allons apprendre beaucoup sur l'industrie au travers de cette situation», avait indiqué Jeff Immelt {ndlc : General Electric en chef} lors d'une conférence à Washington jeudi {ndcl : 31/03}.
Ah, le retour d'expérience, l'amélioration permanente, la roue de Deming tournera encore quand il n'y aura plus personne pour la regarder ...



Haïti 1804 - Tunisie 2011 ?


Des printemps arabes, un seul a (pour l'instant ?) réussi à fleurir et il y a fort à parier que cela ne lui sera pas pardonné.


Tandis qu'au Caire l'armée organise une "transition à la turque" (on introduira ici, parallèlement à la justice ou à la musique militaire, le concept de démocratie militaire), tandis que la transition lybienne est d'ores et déjà réglée et confiée à un groupe d'opportunistes au pedigree à faire frémir même les connaisseurs des transitions d'Europe centrale, tandis que ces deux "printemps" bénéficient de lourds soutiens financiers pour leur stabilisation ou leur avènement et que les autres sont laissés à la main des potentats locaux, le printemps tunisien qui, non content de chasser Ben Ali et son entourage, a persisté crânement et aussi chassé les hiérarques "moins corrompus" qu'on tentait de lui fourguer pour enterrer (oui, je sais, on dit "gérer") la transition, bref, le printemps tunisien qui, sans aide extérieure, a fait place nette et sans violence, ce printemps est laissé à lui-même : pas même l'équivalent en remise de dette de quelques-uns des coûteux missiles qui explosent sur la Lybie, non, rien ; démerdez-vous. Ou plutôt, ne bougez plus et rentrez dans le rang. Sinon ...

Le printemps tunisien sera-t-il étouffé en silence sous la dette comme l'indépendance haïtienne le fut sous les réparations ?



16/04/2011
Le FMI chargé de veiller sur les économies arabes
On relèvera sans surprise que les "événements tragiques au Japon" et les "développements dans certains pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord demandent (...) une attention particulière."
Deux désastres en quelque sorte, deux menaces sur la croissance mondiale ...