jeudi 31 mars 2011

***(był maj ...) -- Jacek Podsiadło


był maj
i była łąka

nie było bociana
ani żadnego innego pana nad nadętą orkiestrą milczących żab

było zdziwienie ślimaka
w opuchłej od ciszy muszli koncertowej

był liść łopianu
i jego druga strona

była mrówka której przyszło żyć
i było źdźbło wleczone na golgotę kretowiska

była wyższa od trawy samotność kochanków
omijanych wśród mnogości wniebowzięć





Il y avait le mois de mai
et il y avait la prairie

il n'y avait ni cigogne
ni aucun autre chef du pompeux orchestre des discrètes grenouilles

il y avait la surprise de l'escargot
dans la rumeur de la mer sortant de la coquille silencieuse

il y avait la feuille de bardane
et sa face cachée

il y avait la fourmi qui s'en allait vivre
et il y avait le brin d'herbe traîné sur le Golgotha des taupinières

il y avait au-dessus de l'herbe la solitude des amants
évadés dans l'extase infinie





Un exemple du ton de ce poète de la "génération bruLion" et un bon exemple du "O'Harisme" (O'haryzm), mouvement poétique polonais ainsi nommé par référence à Frank O'Hara.
Pour une vingtaine de poèmes de Jacek Podsiadło en édition bilingue (que je n'ai pas lue), voir ici (et un extrait, ) ; pour les polonophones, ici, pour commencer !
 
Daté du 8 Juillet 1986, ce poème fait partie de son premier (je crois ...) recueil, Nieszczęście doskonałe (1987).


En 1987 aussi, c'était une toute autre image de mai que gravait Million Bulgarów dans Czerwone Krzaki (sur leur premier album Blues ?):

Maj - to wtedy kwitną kwiaty
Pachnie gaj
To wtedy czarne diabły zjedzą was
To wtedy runie w dół fala i jazz
To wtedy pękną kwiaty, spłynie krew...






mercredi 30 mars 2011

Lamentations pour le sud du Fleuve -- Yu Xin (513-581)


Cent années s'écoulent hélas trop vite
Et pour les floraisons lumineuses il est déjà trop tard.
Je ne laverai plus mon écart de la Porte-des-Oies
Et méditerai d'abord les étendues lointaines du cygne.
Il n'y a pas de fleuve Huai ni d'océan qui puisse me transformer,
Je n'ai pas d'or ni de cinabre à transmuter.
Mes os ne passeront pas la cascade de la Porte-du-Dragon,
Je ne puis que baisser la tête comme le cheval de la pente !
Le Ciel certes est bien sombre
Et les hommes, hélas, trop aveugles !


La fin de Un petit jardin in Lamentations pour le sud du fleuve, traduit et présenté par Michel Kuttler, Orphée / La Différence (encore).

Est-il utile de préciser qu'il s'agit de poèmes d'exil et de vieillesse ?

mardi 29 mars 2011

Collection de sable et de pierres -- Ichien Mujû (1227-1312)


LXXVI (181)

Po-Kui-yi dit : "Même si l'on est doté de fortune, il persiste toujours de la souffrance, parce que celle-ci réside dans l'inquiétude du cœur ; même dans la pauvreté, il y a toujours de la joie, parce que celle-ci se trouve dans la liberté de notre corps."[...] Le chapitre Shôyô du Hakushi monjû comprend de nombreux poèmes exprimant des sentiments personnels ; parmi ceux-ci j'ai gravé dans mon cœur celui où il est dit que Po-Kui-yi commença par s'occuper de littérature, et que plus tard il parvint à la doctrine du Zen. [...] Le sens en est le suivant : Oublier la différence entre la vie et la mort est comparable au geste de l'homme sage qui, dans le récit rapporté [plus haut], chassait à la fois la sœur ainée et la sœur cadette. Si l'on voulait parler de la vie et de la mort par une métaphore, on dirait : elles sont analogues à l'eau et à la glace. La vie est comme l'eau qui se prend pour devenir glace, et la mort est comme la glace qui fond pour redevenir eau. Les formes de l'eau et de la glace sont, certes, différentes, mais par leur nature qui est humidité, elles ne sont point différentes. [...] Kanzan dit : "Eau et glace sont inséparables ; de même vie et mort, toutes deux sont beauté." Il ne faut pas s'attacher aux deux phénomènes que sont la vie et la mort, parce que cela entrainerait à une illusion vaine. Aussi bien il n'y a rien à abandonner, car ce ne sont que des transformations illusoires qui naissent et disparaissent. Que l'on aille pas, aveuglé par la taie qui nous couvre les yeux, s'adonner sans contrainte aux sentiments de joie et de chagrin face à la vie ou à la mort ; ces sentiments ne sont que fleurs du ciel ! Po-Kiu-yi dit : "Il ne faut pas trop s'aimer soi-même, non plus que se détester. Comment notre corps serait-il digne d'être aimé, lui qui est à l'origine de passions sans fin ? En quoi ce corps mériterait-il d'être détesté lui qui [n'] est [qu'] un ensemble de poussières irréelles ?"
En vérité, si l'on n'aime pas et si l'on ne déteste pas, on atteint tout naturellement à la doctrine de l'absence d'aspects particularisés, laquelle enseigne la non-différenciation de toute existence quant à sa nature propre. C'est là l'essentiel de la Loi du Buddha, et le sens profond de l'entrainement à la pratique !


(Shasekishû, traduit et commenté par Hartmut O. Rotermund, Connaissance de l'Orient / Gallimard 1979)

Accessoirement, une collection de kôans extraite du Shasekishû, ici. 
Celui-ci, par exemple :


What Are You Doing! What Are You Saying!

In modern times a great deal of nonsense is talked about masters and disciples, and about the inheritance of a master's teaching by favorite pupils, entitling them to pass the truth on to their adherents. Of course Zen should be imparted in this way, from heart to heart, and in the past it was really accomplished. Silence and humility reigned rather than profession and assertion. The one who received such a teaching kept the matter hidden even after twenty years. Not until another discovered through his own need that a real master was at hand was it learned hat the teaching had been imparted, and even then the occasion arose quite naturally and the teaching made its way in its own right. Under no circumstances did the teacher even claim "I am the successor of So-and-so." Such a claim would prove quite the contrary.
The Zen master Mu-nan had only one successor. His name was Shoju. After Shoju had completed his study of Zen, Mu-nan called him into his room. "I am getting old," he said, "and as far as I know, Shoju, you are the only one who will carry on this teaching. Here is a book. It has been passed down from master to master for seven generations. I also have added many points according to my understanding. The book is very valuable, and I am giving it to you to represent your successorship."
"If the book is such an important thing, you had better keep it," Shoju replied. "I received your Zen without writing and am satisfied with it as it is."
"I know that," said Mu-nan. "Even so, this work has been carried from master to master for seven generations, so you may keep it as a symbol of having received the teaching. Here."
The two happened to be talking before a brazier. The instant Shoju felt the book in his hands he thrust it into the flaming coals. He had no lust for possessions.
Mu-nan, who never had been angry before, yelled: "What are you doing!"
Shoju shouted back: "What are you saying!"




dimanche 27 mars 2011

Moscou-Petouchki -- Venedict Erofeiev (1938-1990)


Pendant que nos Rafales travaillent vaillamment à allonger le futur contrat que le très honorable CNT lybien ne manquera pas de passer avec Dassault pour remplacer tous ces coûteux coucous russes aujourd'hui hors d'âge et partis en fumée, rien de tel que de se remémorer l'épisode de l'invasion de la Norvège par Vénitchka et sa coalition d'alambics montés sur pattes ...










Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.



"Des Phantom, peut-être qu'ils ne nous en donneront pas, mais la dévaluation du franc, c'est sûr qu'on l'aura ..."

Toute ressemblance etc.


Venedict Erofeiev
(en particulier ceci, que vous compreniez ou non le russe)
et pour ceux qui lisent le russe, ici !


Diffusé en samizdat à partir de 1969, traduit par Anne Sabatier et Antoine Pingaud chez Albin Michel, 1976 .

Republié ensuite sous le titre "accrocheur" Moscou sur vodka (vendeur, ça, coco ...) ; si vous ne l'avez pas lu, oubliez ce titre débile et courez l'acheter pour l'avoir fini avant que le Nuage ne vous attrape !

samedi 26 mars 2011

Lamentations pour le sud du Fleuve -- Yu Xin (513-581)


N'est-ce pas ce que dit le Huainanzi ?
"Les vieillards s'attristent de la chute des feuilles" ?
J'ai donc chanté cela :
"A la troisième lune ce qui brûle au palais Jianzhang,
Et sur dix mille stades le radeau du fleuve,
Si ce ne sont pas les arbres du parc Jingu,
Ce sont toutes les fleurs du canton de Heyang !"
Entendant cela le grand maréchal Huan soupira :
"Les saules plantés autrefois
Prospérèrent au sud de la Han.
Je les vois aujourd'hui dépérir,
Affligés aux berges du Yangzhi,
Et si les arbres en sont là,
Que pouvons-nous espérer ?"


Un petit extrait de Un arbre desséché ; la présentation, la traduction et les notes (une trentaine de pages ... pour autant de traduction) de Michel Kuttler pour la collection Orphée/La Différence sont un modèle d'érudition, de précision et de discrétion.
(encore)

mercredi 23 mars 2011

Brisure à senestre -- Vladimir Nabokov (1899-1977)


Lolita vous laisse froid ? La défense Loujine vous ennuie ? Les interminables jeux de miroir de Feu pâle vous lassent ? Les pirouettes vous fatiguent et les papillons ne vous intéressent que vivants ? Moi aussi.





Pourtant, il y a un livre de Nabokov dont je ne me séparerais qu'à grand regret, Brisure à senestre (cette expression d'héraldique est un peu bizarre mais allez rendre les échos multiples de Bend sinister !) que je viens de relire : Nabokov peut bien y continuer à sa guise ses pirouettes sous la forme habituelle de l'auteur démiurge présent/absent, semer des rébus idiots en trois ou quatre langues ou tisser des fils rouges qui ne mènent à rien, il ne parvient pas à gâcher l'ostinato mis à nu dès qu'apparaissent Krug et son fils ou Krug et le souvenir de sa femme Olga, comme si, à son corps défendant peut-être mais qu'importe (quoique la préface semble indiquer le contraire), le marionnettiste virtuose laissait un instant son personnage prendre de l'épaisseur. C'est seulement à travers cette épaisseur que je peux me laisser aller ensuite à apprécier la farce hénaurme et les ectoplasmes bariolés qui l'animent.

La scène finale est un parfait exemple de double salto, du présent au passé, de l'intrigue à l'auteur ; la maîtrise est impressionnante :



Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.


(Bend Sinister est paru en 1947 ; traduction française de Gérard Henry Durand chez Julliard en 1978, revue par René Alladaye chez Folio en 2010)

Troubled Everything Relief Program


Oh certes, "comparaison n'est pas raison" mais je n'arrive pas à mettre de côté la puissance de l'analogie entre la catastrophe de Fukushima et la crise des subprimes. Le moteur de l'analogie, bien sûr, c'est cette image effarante de déversement de "liquidité" sensée permettre le rétablissement d'un mécanisme de contrôle devenu inopérant mais servant surtout de dernier rempart contre la fusion complète du système.



Fukushima, 20 mars 2011



On pourrait aussi parler du caractère prévisible du désastre et de l'absurdité de sa "probabilisation" en termes de "risque", des avertissements non suivis d'effet, de l'arrogance des experts dans la période précédant le désastre (TINA ! TINA !) et de leur nullité crasse dans celle qui suit ("on ne peut invoquer que la fatalité, l'enchainement etc"), du "quantitative easing" et des "moyens non conventionnels" élevés, faute de mieux, au rang de pratique naturelle (perçons les enceintes de confinement sinon cela va péter, quoi de plus naturel, en effet ?), des relations incestueuses (pour être poli) entre autorités de contrôle et gestionnaires du système, de la perte de vue de la valeur d'usage de l'activité (l'activité principale de Tepco était-elle de produire de l'électricité pour ses clients ou des dividendes pour ses actionnaires ?).

Sans parler de ce qu'on nomme pudiquement les "retombées" ...

Ou encore de la composition du MOX, cet étrange "produit dérivé" contenant "un peu" (7% de mémoire) de Pu239 juste "un peu" plus toxique que le reste et dont il faut bien se débarrasser (hé oui, La Hague n'est pas infiniment extensible) ... dilution des risques ?

Et puis, "à la fin" (il faudrait introduire un concept de fin qui, comme l'avenir, "dure longtemps" ... une forclusion de l'avenir en quelque sorte), on nationalise les ruines.

Dernière pièce au puzzle, après le traitement médiatique sensationnaliste, retour progressif à la "normale" via une communication de crise de mieux en mieux maîtrisée (à croire que le seul confinement réellement étanche, c'est celui qui enveloppe l'information) ; une danse à trois temps bien réglée :
  1. "un monde s'effondre, rien ne sera plus jamais comme avant ..."
  2. (l'apocalypse ne saisissant pas encore son quart d'heure warholien) "c'est comme cela, il faudra vivre avec, courage, dignité ..."
  3. (après vague stabilisation dans le courage et la dignité) "quand on pense aux circonstances exceptionnelles, c'est finalement moins grave que ce que les Cassandre de service nous promettaient ; plus de procédures, plus de contrôles, plus de contrôle des procédures et plus de procédures de contrôle des procédures ...", et ça repart car la croissance, elle, n'attend pas.




TARP (Washington Post, 28 novembre 2009)



Juste pour rappeler que derrière ces désastres apparemment forts différents se profile une sorte de structure commune dont ils ne sont que deux instanciations. Deux instanciations qui n'ont par ailleurs rien d'indépendantes, dont les corrélations vont lentement se mettre à jour et qui ne sont que les symptômes de l'incontrôlable montée en température de la mégamachine (Serge Latouche) techno-économique.

Troubled Asset Relief Program, Troubled Core Relief Program, à qui le tour ?





Voir aussi ici, l'article de Marc Humbert, Japon, l'alerte verte et rouge.
aussi, c'est du sérieux.

lundi 21 mars 2011

Humains -- Jean Follain

 
 
Des hommes bruns ou blonds
noirs ou rouges
ont pris par un chemin glacé
on veut les revoir ils sont morts.
Par ces temps douteux de pays tempérés
ils firent voir
dans une éclaircie
un bijou d’argent ou d’or
alors qu’ils regardaient les prés
ou quelque village d’abeilles
rappelant les huttes gauloises
à l’écolier fiévreux
qu’ils tenaient ferme par la main.


(in Territoires (1953))

Journée mondiale de l'eau (demain) -- Altan


- Privatiser l'eau, c'est comme privatiser l'air !
- Du calme : chaque chose en son temps.

dimanche 20 mars 2011

Explosions in the sky


Un antidote bienvenu aux grotesques vermines proclamées experts es-kaki, es-radiations ou es-opinion qui se bousculent sur les ondes, bouffies de l'importante mission qu'elles ont acceptée : faire passer (et dans cet ordre) une catastrophe humaine pour un reality show ("Parviendront-ils à rétablir la haute tension ? Après la pub !"), une guerre pour un jeu télévisé ("Vous aviez dit Benghazi ? Perdu !") et des cantonales pour un crucial moment de vérité ("Avons-nous les résultats de la Corrèze ?").



Quelque part entre un Godspeed You Black Emperor ! qui aurait basculé de l'autre côté des "after hours", un A Silver Mount Zion ravagé par la mélancolie ou un Savage Republic désespéré, tournant le dos à l'Orient.


Explosions in the sky est sur l'excellent label Temporary Residence, à découvrir ici.


samedi 19 mars 2011

Le bilan de l'intelligence -- Paul Valéry


Quelques extraits :


(...)
Nous ne pouvons plus déduire de ce que nous savons quelque figure du futur auxquelles nous puissions attacher la moindre créance.
(...)
Nous ne regardons plus le passé comme un fils regarde un père, mais comme un homme fait regarde un enfant ...
(...)
Tout homme appartient à deux ères.
(...)
On peut dire que tout ce que nous savons, c'est-à-dire tout ce que nous pouvons, a fini par s'opposer à ce que nous sommes.
(...)
Tout se passe dans notre état de civilisation industrielle comme si, ayant inventé quelque substance, on inventait d'après ses propriétés une maladie qu'elle guérisse, une soif qu'elle puisse apaiser, une douleur qu'elle abolisse. On nous inocule donc, pour des fins d'enrichissement, des goûts et des désirs qui n'ont pas de racines dans notre vie physiologique propre, mais qui résultent d'excitations psychiques ou sensorielles délibérément infligées. L'homme moderne s'enivre de dissipations.
(...)
Tantôt une tendance l'emporte, tantôt l'autre ; mais jamais, parmi tant d'arguments, jamais ne se produit la question essentielle :
- Que veut-on et que faut-il vouloir ?
(...)
Vous le savez, mais vous ne l'avez peut-être pas assez médité,à quel point l'ère moderne est parlante. Nos villes sont couvertes de gigantesques écritures. La nuit même est peuplée de mots de feu.
(...)
Le langage s'use en nous.
(...)






Le texte de cette conférence prononcée en 1935 ressort chez Allia pour 3€ ; et, en prime, ceci, à propos d'orthographe française, qu'il fait du bien de lire :

"L'absurdité de notre orthographe qui est, en vérité, une des fabrications les plus cocasses du monde, est bien connue. Elle est un recueil impérieux ou impératif d'une quantité d'erreurs d'étymologie artificiellement fixées par des décisions inexplicables."





Ce sentiment de vivre à cheval sur deux ères antagonistes ou au mieux indépendantes (au sens des statisticiens, en ce sens que rien de l'une n'informe sur l'autre), cette rupture des fils du temps, la globalisation en a fait une expérience universelle à l'échelle de la planète. On pourrait espérer l'émergence d'une forme de condition humaine partagée à partir de cette commune expérience : c'est compter sans l'accélération de la technique ; les deux ères entre lesquelles nous sommes tous tiraillés ne sont déjà plus les mêmes entre générations : à vingt ans de distance, ces ères sont différentes non pas au sens habituel, bénin, d'un passé "que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître" mais au sens d'une somme d'expériences devenues radicalement étrangères, incommunicables. Ce que l'accélération apporte de communauté humaine par le rétrécissement des distances, elle le vole dans la dilatation de la dimension temporelle : une vie, finalement, c'est suffisamment de temps pour devenir un parfait étranger à ses contemporains et c'est un autre mode de l'humanité au sens où on cherchait encore à l'entendre il y a ne serait-ce que cinquante ans qui vole en éclat.

Paradoxalement, cette accélération a aussi un effet potentiellement positif : nous faire passer du contrôle en boucle ouverte (en gros --que les théoriciens du contrôle me pardonnent ! -- agir sur un système sans pouvoir mesurer les conséquences de ces actions ; si on possède un modèle suffisamment fiable du système, le contrôle peut être effectif. Dans le cas contraire, on n'a pas d'autre garantie que celle du doigt mouillé), ce sentiment que souligne précisément Valéry que Nous ne pouvons plus déduire de ce que nous savons quelque figure du futur auxquelles nous puissions attacher la moindre créance, à la possibilité d'un contrôle en boucle fermée en ce sens que, du fait de l'accélération, les conséquences des actions deviennent sensibles à une échelle de temps perceptible par ceux qui agissent.

Alors que l'échelle de temps d'une vie d'homme a fort peu changé (doublé, triplé peut-être), l'échelle de temps des modifications sociales s'est prodigieusement contractée, passant, en quelques milliers d'années d'une durée quasi-infinie (les sociétés "primitives", "sans histoire") à un durée de l'ordre d'une existence humaine : envisagé de cette façon, nous sommes en quelque sorte au point critique où la boucle de contrôle n'est pas encore "vraiment" refermée mais où la mesure de la "dérive" du système devient néanmoins possible dans des domaines de plus en plus nombreux.

Si les conditions du passage au contrôle en boucle fermée commencent à être remplies, reste néanmoins à refermer effectivement la boucle de contrôle et la condition de cela est de combattre ce "feuilletage" d'une humanité "spatialement globalisée" en tranches d'âge incapables de se communiquer mutuellement leurs expériences ; cela parle de transmission avec cette précision nécessaire qu'une transmission implique deux acteurs co-responsables du succès du processus : ce succès dépend autant de la volonté de transmettre que de la volonté de recevoir. Sans prise de conscience des modifications imposées à l'expérience humaine par l'expansion de la technique (ce qui ne correspond ni à une idéalisation du passé ni à une connaissance de l'ordre de celle que permettent les livres d'histoire), l'action, et tout particulièrement l'auto-limitation, est impossible.


vendredi 18 mars 2011

Problèmes de gestion, de théorie, etc. -- Alexandre Zinoviev


La théorie du Schizophrène est intéressante lorsqu'elle touche aux problèmes de gestion, dit l'Arriviste. Mais on sent bien qu'il n'a jamais travaillé à des fonctions dirigeantes te qu'il en ignore les détails. D'ailleurs, c'est peut-être préférable. Pourquoi, demanda le Neurasthénique. Les connaissances concrètes ne peuvent jamais nuire à l'élaboration théorique. C'est encore à voir, remarqua le Bavard. Il est probable que là aussi, il faut garder la mesure. Ce n'est pas ce que je voulais dire, dit l'Arriviste. S'il avait mieux connu la pratique de la gestion, le Schizophrène aurait été tellement épouvanté qu'il n'aurait jamais pu écrire. J'ai l'impression qu'aucune théorie ne pourra décrire notre réalité. Essayez donc, par exemple, de résoudre ce paradoxe. Chez nous, tout est minutieusement planifié et contrôlé. Mais officiellement, les gens reçoivent la liberté d'agir. Pour finir, même les systèmes les plus insignifiants et donc, en principe, les plus faciles à gouverner deviennent pratiquement ingouvernables. Ils ne sont gouvernables que du point de vue des bilans officiels. Il n'y a là rien de mystérieux, dit le Bavard. Justement la théorie du Schizophrène l'explique aisément. La tendance à la tutelle tatillonne est le résultat de certaines lois sociales et la tendance à l'anarchie en est une autre. L'irresponsabilité, l'absence d'intéressement personnel, le manque d'information, la duperie et la paresse systématique, etc.,  tout cela entraine nécessairement l'existence de groupes importants, pratiquement incontrôlés. Et quant à l'abondance des faits et à l'effroi qu'ils peuvent susciter, ce n'est pas un obstacle pour un savant véritable. La science ne se confond pas avec la façon quotidienne de voir les choses. Il peut y avoir une multitude de faits stupéfiants pour l'imagination, mais la science se limitera à deux ou trois formules sans importance. Et à l'inverse, il peut se produire des faits isolés qui n'atteignent presque pas la conscience des gens, mais qui ont une importance énorme du point de vue scientifique. Par exemple, qu'il y ait mille personnes qui soient châtiées ou qu'il y en ait un million, cela peut être indifférent du point de vue scientifique. Mais un phénomène aussi unique que la persécution du Barbouilleur ou l'exil du Père-La-Justice peut devenir un objet de l'attention la plus soutenue, car il peut être le point de convergence de problèmes sociaux plus profonds et plus importants. L'Arriviste dit qu'il n'était pas un spécialiste de ces problèmes et qu'il ne voulait pas défendre ses opinions envers et contre tout. D'après ce qu'il avait pu observer, il y avait deux moments décisifs dans l'organisation d'un système de gestion (problème qui l'intéressait beaucoup). Premièrement, le choix d'un petit nombre de points (de paramètres pour employer un mot à la mode) de gestion qui sont effectivement contrôlés et dont la maîtrise permet de contrôler les aspects les plus importants de la vie sociale. Deuxièmement, le choix d'un petit nombre d'occasions où l'intervention de l'organe dirigeant est indispensable. Savez-vous par exemple ce qui distingue un pilote expérimenté d'un débutant ? Un débutant croit qu'il faut surveiller l'avion à tout moment, sans quoi il fera des blagues, et il ne laisse pas son avion tranquille un seul instant. Mais le pilote expérimenté sait que l'avion marche à peu près normalement et qu'il faut simplement le laisser faire. Il ne faut intervenir que lorsque son régime de vol subit une altération excessive. Oui, mais la société n'est pas un avion, dit le Bavard. Qui détermine ces points de gestion et ces moments où il faut intervenir ? Cela ne dépend pas de considérations plus ou moins cybernétiques, de tentatives de perfectionnement, de recherche de variantes optimales, etc. Cela dépend de la nature des intérêts, des buts des dirigeants, de leurs rapports avec leurs subordonnés et d'autres facteurs sociaux. La société n'est pas seulement une machine à produire des toiles d'indienne, des pommes de terre, de l'acier, des médecins, des docteurs-es-sciences et autres productions à bon marché.
C'est alors qu'intervint le Savant. Il se mit à expliquer toute l'importance qu'il  y avait à élaborer des théories capables de prévoir et d'expliquer les phénomènes sociaux. Pour ce qui est de l'explication, cela ne tient évidemment pas debout, dit le Neurasthénique. Pour ce qui est des prévisions, non plus, ajouta le Bavard. Comment obtenir d'une théorie les meilleurs pronostics possibles ? Les théoriciens partent du postulat, selon lequel l'objet d'étude lui-même ne dépend pas d'eux et ils élaborent des systèmes mathématiques extraordinairement compliqués, qui n'ont aucune valeur pratique. Non pas que les théoriciens soient des imbéciles. C'est l'objet d'étude qui est idiot, c'est-à-dire "erroné" et qui exclut la possibilité d'une théorie "juste". Comment s'en sortir ? Il semble naturel d'adapter l'objet à la théorie : de la simplifier et le standardiser. Excellente, votre idée, dit l'Arriviste. C'est justement ce qui se passe dans la réalité. Bien sûr, c'est progressif. Cela demande beaucoup de temps et de travail. Qu'il le veuille ou non,  l'État s'efforce de perfectionner la société de façon qu'elle soit facile à gouverner scientifiquement. Si je ne savais pas que vous faites de l'ironie, j'aurais une mauvaise opinion de vous, dit le Bavard. Malgré toute son apparente naïveté, la théorie du Schizophrène est d'une justesse et d'une efficacité étonnante. D'après elle, toutes les tentatives de l'État pour perfectionner la vie sociale sont réalisés par des hommes et des organisations qui sont plongés dans le champ d'action des lois sociales, avec toutes les conséquences que cela implique. Vous ne devez pas ignorer toutes les tentatives de ces dernières années pour perfectionner et simplifier l'appareil dirigeant. Comment ont-elles fini ? A présent, il est encore plus embrouillé qu'auparavant. Il est vrai que, prise dans un temps assez long, la totalité des actions de millions de personnes aboutit à une certaine stabilité.
Mais loin d'être la réalisation d'une quelconque gestion cybernétique idéale, cette stabilité n'est que la résultante de toutes les forces qui sont mises en œuvre, et elle n'est possible que si elle répond parfaitement à leur nature sociale. Mais alors, où est la solution ? demanda le Savant. Quelle solution, dit l'Arriviste, il n'y a nul besoin de solution. On n'a besoin que d'un minimum de stabilité.

(in Les Hauteurs Béantes, L'Âge d'Homme)









Tout comme cet avertissement aux fanatiques du contrôle de conformité a priori (évidemment c'est bien plus facile de définir un KPI (Key Performance Indicator ... le premier qui rira etc.) que de piloter au jour le jour, d'évaluer a posteriori et de proposer des pistes d'amélioration mais bon ... qui a dit que "manager" devait être difficile ?) :

D'ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute matière, aboutit à vicier l'action, à la pervertir ... Je vous l'ai déjà dit : dès qu'une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n'est plus l'action même, mais il conçoit d'abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle.

Ce qu'en termes moins choisis que ceux de Paul Valéry on appelle "activer la pompe à brouillard".

mercredi 16 mars 2011

De la lecture ...







Et, au passage, ne ratez surtout pas cela, un texte de Jean-Paul Dollé paru en 1999 dans la revue Le Portique et qui n'a, malheureusement, pas pris une ride :

Habiter, c’est pouvoir à la fois exister comme corps, trouver son geste, son espace et advenir comme sujet. Être, avec son corps. Je touche, si je suis touché ; je suis au monde, si j’en éprouve sa chair. C’est ce dont la technique du corps ne veut rien savoir, pour produire le savoir comme tech­nique.

Après tout pourquoi pas ? Mais si la technique habite entière­ment la terre, alors les hommes en sont chassés ou exilés ! Il faut choisir. Ceci est une autre histoire, qui n’est pas technique mais éthique.



mardi 15 mars 2011

Presence -- John Duncan et Edward Graham Lewis


Porté par les vents de Wire, Edward Graham Lewis voyage dans la galaxie électro (dark, noise, whatever !), de Pan Sonic à Karkowski, en passant par des collaborations très dépouillées avec John Duncan.

The alternatives still held considerable potential
The essential sway or pphhhhoooot !
He felt completely vulnerable
The protection of the narcotic curse was gone
and the inclusive was only empty, black and total.
Measuring boundaies is human but ...
Faking dreams was God-like ...
All purpose stimulated
All presence amplified
It was like this
That was understandable



(disponible : AQ07)

lundi 14 mars 2011

La nudité des femmes suivi de Le Cirque -- Włodzimierz Odojewski


Dans Une saison à Venise (chez Rivages ; porté à l'écran par Jan Jakub Kolski, Wenecja), la fantaisie rêveuse de Marek tenait la guerre à distance, en étouffait un peu les échos, jusqu'à son irruption qui faisait voler en éclat cet écran dérisoire ; la guerre est d'emblée présente dans ces deux nouvelles qui poursuivent l'évocation de l'adolescence de Marek.


Court extrait de la première nouvelle :


Durant de longs jours, de longues semaines, il eut l'impression que tout était mort en lui ; parce que la découverte la plus bouleversante avait été qu'il pouvait arriver aux gens des choses bien pires que la mort. En particulier aux femmes. Mais combien de temps peut-on vivre dans cet état, sourd, insensible, renfermé, pensant à cette chose, jour après jour, semaine après semaine, se la rappeler, se réveiller la nuit avec toujours le même rêve, se redresser dans son lit, rester immobile et muet à regarder le vide obscur qui n'est même plus du chagrin mais seulement le remord indéfinissable de n'avoir pas fait quelque chose, mais quoi ? Car qu'aurait-il pu faire ? Tout au plus crier tout son soûl, vomir tous les mots qui s'étaient accumulés dans sa poitrine jusqu'à devenir un fardeau insupportable, alors qu'en réalité il n'avait que douze ans, qu'il était curieux de découvrir le monde et aurait voulu courir droit devant lui jusqu'à en perdre le souffle et atteindre une joyeuse ivresse. Il finit donc par se révolter. Il s'efforça de chasser au plus vite de sa mémoire le souvenir de ces corps de femmes mutilés, Wiktor et lui ne parlaient jamais à personne de ce qu'ils avaient vu dans la sablière, derrière les remparts, ils n'en discutaient jamais non plus entre eux, et il aurait peut-être réussi à oublier tout à fait, puisqu'il le voulait tant, s'il n'y avait eu Karola.



A mille lieux des grandes fresques (Les Bienveillantes de Jonathan Littell pour le pire, Les Disparus de Daniel Mendelsohn pour le meilleur), sans prétention à l'objectivité (Voisins de Jan Tomasz Gross ou Wy z Jedwabnego d'Anna Bykont ; je suppose que c'est ce livre qui vient de paraître en français sous le titre Le crime et le silence chez Denoël), un regard d'adolescent, regard dont le trouble est fidèlement ressaisi par un écrivain né en 1930.

A propos de Włodzimierz Odojewski, voir ici et . Il a été le scénariste de Wajda sur Katyn.

(disponible chez Rivages 2010, traduit par Charles Zaremba)


Odojewski a beau être né à Poznań, c'est en Galicie que se déroule l'enfance et l'adolescence de Marek ; les indications de lieu sont rares et ne m'avaient pas frappé jusqu'à présent, sauf qu'à la relecture, il y a cette statue de Jean Népomucène sur une place, des remparts et, au-delà des remparts, une sablière ... Rien de tout cela n'est très spécifique : remparts et sablières sont des lieux communs de Galicie, les statues de Jean Népomucène, saint patron de la Bohème, ont poussé comme des champignons dans toute la Mitteleuropa ; il y en a une à Rzeszów mais pas sur une place ... sauf que ... cette statue est une grande voyageuse et elle était bien sur une place en un temps que je n'ai pas connu, à droite sur la carte postale ci-dessous de 1911 (elle a été déplacée en 1969, puis en 1981, et enfin en 2008 !). A croire qu'il n'y a vraiment pas de terrain de jeu innocent ... pas même les jolies sablières au bord du Wisłok ?




Comme si j'ignorais tout du ghetto de Rzeszów et de la forêt, entre Rzeszów et Głogów Małopolski ...


mercredi 9 mars 2011

Dharma guns -- F.J. Ossang







On ne l'a pas vu mais on ira le voir.



15/01/2011


On l'a vu ; ceux qui ont aimé les précédents films d'Ossang ne seront pas déçus. Les autres quitteront la séance en maugréant que le cinéma, ce n'est pas que de faire de belles images et qu'on n'y comprend rien ; et ils auront raison, deux fois : les images sont superbes et, oui, on n'y comprend rien, à ceci près que, malgré tout, en dépit de la façon qu'a Ossang de semer indices et fausses pistes, un peu à la manière d'un puzzle dont on ne serait pas vraiment sûr de détenir toutes les pièces (ni même que plusieurs boites n'aient été mélangées), le film fait sens, inexorablement. 

"Des êtres nés dans le territoire des cauchemars échangent des paroles  maigres, des formules qui émettent des signaux tout à fait différents de ce que disent les mots."
Bien vu !

En 1981, cela donnait ceci (Alcôve clinique, Ceéditions) :

Dans la Mort. Vous êtes dans la Mort. Dans les steppes regards. Les Yeux de la vie, les Yeux de la mort, et la steppe. herbes rases, épineuses, coupantes, interminablement raidies sur leur couche d'infinitude.

Générique des figures mortuaires :
Soledienne, la Première Morte.
Corps bleuté, glacé sous l'empire des veines figées, peuple de masses coagulées. Poignets tailladés d'Elle, tiédie dans les eaux rouges de la baignoire.
Pella :
Deux autres girls. Tuées.
Frantz Varetzi, le Dernier Narrateur.
Il. Recherche la Tombe Soledienne. Rampe vers l'inaccessible fosse des cendres. Égaré dans les steppes regards du mâle et de la femelle, de la vie et de la mort, du soleil et de la nuit, de l'exécuteur et de la victime assassine.

La fouille du cachot de lueurs s'est amorcée. Les montagnes de poudre de la Maison des Morts commencent à se disperser sur les steppes. herbes rases, épineuses, coupantes, interminablement raidies sur leur couche d'infinitude. Dans la Mort, vous êtes dans la Mort.



Ou encore, en 1994, dans L'ode à Pronto Rushtonsky (Warvillers) :

D'où vient la malédiction que j'aie mystérieusement vécu toujours à l'envers de ce que semblait préfigurer mon enfance. Et Pronto. D'où s'est-il évanoui ?



Autant de petites pièces qui composent lentement une seule œuvre.


Le citoyen de verre - entre surveillance et exhibition -- Wolfgang Sofsky


Comment le cercle vicieux de la transparence (peur-surveillance) se couple-t-il à cet étrange mouvement d'exhibition (d'autres auteurs (ici, ) parleront de "transformation / construction / création de soi") qui conduit une part croissante des internautes à s'évaluer sur des batteries de compteurs (qui sont autant de capteurs) et à se conformer à ce que ces compteurs exigent en termes de performance ?

J'attendais beaucoup de ce livre de Wolfgang Sofsky.

Las, à l'exception de quelques rares pages qui remettent en perspective Georg Simmel ou Philippe Ariès/Georges Duby, on ne trouve rien de bien roboratif dans ce qui se révèle finalement un pamphlet libertarien qui atteint parfois les niveaux habituellement réservés aux thuriféraires d'Ayn Rand.

Certes, et son sous-titre allemand le prouve (Verteidigung des Privaten - ein Steitschrift), l'ouvrage se revendique explicitement polémique et j'étais tout prêt à accepter certains raccourcis effrayants mais pas à subir un pilonnage en règle à ce niveau d'argumentation.

(aux éditions de l'Herne, 2010, traduit et préfacé par Olivier Mannoni)

Une autre recension, nettement plus complète sans être beaucoup plus enthousiaste, ici.
Libération n'avait rien trouvé à (re)dire ...

lundi 7 mars 2011

Préface à la Phénoménologie de l'Esprit -- G.W.F. Hegel




Lucas van Valckenborch (1535-1597)
La tour de Babel (1594)
Musée du Louvre, Paris



Pour ceux que cela intéresse, deux excellentes traductions sont disponibles en ligne :

  • celle de Guy Feler (dont nous ne verrons malheureusement pas la suite)
  • celle de Guy de Pernon (en version parallèle ; on attend la suite ...)

jeudi 3 mars 2011

Winter's bone -- Debra Granik


Il y a de bonnes chances que vous ayez raté le très rèche Down to the bone qu'elle avait sorti en 2004 (est-il seulement sorti en France ? en dehors du festival de Deauville, s'entend ...) ; Winter's bone (2009) sort en France cette semaine.







Après Wendy and Lucy ou Frozen River (encore des films de réalisatrices avec des personnages principaux féminins, en passant ; au-delà du cinéma indépendant, on pourrait ajouter l'excellent True Grit des frères Cohen à la liste), un nouvel aperçu du cinéma américain indépendant à se faufiler dans nos salles, avec cette fois les paysages des Monts Ozark, et, au passage, un regard sur l'ancrage de la méthédrine dans l'Amérique rurale (ici, ici ou ).



Meth is a symptom of this collapse {NDLC, of rural America}, not a cause. And though its presence in small towns can be cancerous, it never took over rural America. The latest national surveys suggest that there are about 1.3 million regular users of meth — hardly an epidemic in a country where 35 million people said they had used an illegal drug or abused a prescription one.

Still, meth is different in at least one respect. Reding says it is “the only example of a widely consumed illegal narcotic that might be called vocational, as opposed to recreational.” It was given to starving Nazi soldiers to keep them in warrior mode on the Russian front. Now it’s a preferred stimulant for people working two jobs in low-wage purgatory.
 
“Rural America remains the cradle of our national creation myth,” Reding concludes. “But it has become something else, too — something more sinister and difficult to define.”
(source)



Un entretien de la réalisatrice Debra Granik et, comme elle y parle de Boris Furmin, un entretien du bonhomme en prime.

mercredi 2 mars 2011

Internationale situationniste

 
Les 12 numéros de la revue sont (partiellement) disponibles en ligne ici.

Ainsi, cette Correspondance avec un cybernéticien ... qui manque cruellement à la notice biographique wikipedia d'Abraham Moles (dont on peut lire le bref Quelques axiomes communicationnels de la société de masse) !

mardi 1 mars 2011

Sandro Penna (1906-1977)


A Eugenio Montale 

La festo verso l’imbrunire vado
in direzione opposta della folla
che allegra e svelta sorte dallo stadio.
Io non guardo messuno e guaro tutti.
Un sorriso raccolgo ogni tanto.
Più raramente un festoso saluto.

Ed io non mi ricordo più chi sono.
Alora di morire mi dispiace.
Di morire mi pare troppo ingiusto.
Anche se non ricordo più chi sono.







À Eugenio Montale

Fête vers le couchant, je vais
en direction opposée à la foule
qui joyeuse et vive sort du stade.
Je ne regarde personne et les regarde tous.
Parfois je recueille un sourire.
Plus rarement un salut chaleureux.

Et moi j’ai oublié qui je suis.
Alors mourir me déplaît.
Mourir me paraît trop injuste.
Même si j’ai oublié qui je suis.





(in Sandro Penna, Une ardente solitude (choix de poèmes, de Tutte le poesie, Stranezze, Il viaggiatore insonne), traduit et présenté par Bernard Simeone, Orphée/ La Différence 1989)

Miroir du chemin, chronique des branches -- Adonis






Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.




(in Adonis, Chronique des branches, Orphée/La Différence 1991 ; traduction et présentation de Anne Wade Minkowski , préface de Jacques Lacarrière ; textes arabes calligraphiés par l'auteur)