lundi 18 octobre 2010

The Basho project -- Lance Henson


Erin Hanson
(rien à voir avec Lance Henson !)



from far down river the echoes of cities

you are returning and there are no sweet winds
to hold you
no fields to see you remembering
not even the pale moon
that once remembered everything

outside the window the light is moving away
the tracks of animals holding themselves for the last time

the gathering night full of stillness … …




we have waited a long time
in our prayers we have lit lamps though the words
that know us have turned away

others without the hope of prayer have
walked past us and lain down

their voices fallen into the rivers …




awakening to bullets shattering lives
on the streets of kosovo and kabul

their names rise up
in a misted rain
they put their hands upon our eyes
that have grown lonely and searching

in this torn place
a leaf falls leaving its shadow on the wind

and the birds in their songs … 




D'autres textes et quelques informations sur Lance Henson, ici et (pour commencer !); ne manquez surtout pas le "classique" Twelve songs written in the ennemy's language.

De la neige qui recouvre les mots désormais muets et les occulte, der Schnee des Verschwiegenen, à ces mots familiers qui se sont détournés, in our prayers we have lit lamps though the words / that know us have turned away, du deuil impossible d'une Mitteleuropa  "où vivaient des hommes et des livres" au souvenir impossible dont la lune même se détourne, c'est la même présence lancinante du manque qui me fait associer la poésie de Lance Henson à celle de Paul Celan.

La fin du poème de Henson marque nettement leur différence : ce n'est évidemment pas la même chose de tenter de sauver la langue allemande d'elle-même, de jeter pour cela, contre toute espérance, une passerelle au-dessus de l'abîme qu'Adormo a pensé infranchissable et de poursuivre un combat, fût-il déclaré perdu d'avance par ses vainqueurs auto-proclamés, dans la langue de l'ennemi s'il le faut.

La conscience si aiguë chez ces deux poètes de leur rapport  conflictuel à la langue n'est pas de même nature  -- pour Celan l'allemand ne fut jamais réduit à la "langue de l'ennemi" -- et détermine des orientations différentes vis-à-vis de l'Histoire, tournée vers l'avenir et le combat chez Henson, tournée vers le passé chez Celan (*), comme l'ange de Benjamin, brutalement balayé vers l'avenir par le vent du progrès, der Wind, der dich fortstösst, sans pouvoir résister, témoin impuissant de cette accumulation de ruines qu'est l'Histoire, ballt um das Wort sich der Schnee.






(*) il faudrait nuancer cela : Celan n'a pas été indifférent à son présent, même dans sa poésie ; en témoigne, entre autres, l'implacable réquisitoire qu'est "In memoriam Paul Eluard".