mercredi 1 septembre 2010

Futura 2010


Surprise ! Une peu amène interdiction de stationner orne l'entrée du parking habituel, devant l'espace Soubeyran. "Bah, puisqu'il paraît qu'on fait un festival élitiste, on peut bien avoir un parking élitiste ..." grince, un rien amer, Denis Dufour.
Elitiste, Futura ? Trois qualificatifs qui me paraissent plus indiqués :


  • accueillant ; par l'absence absolue de barrière culturelle à l'accès. C'est un point essentiel dont je puis témoigner étant arrivé dans mes petits souliers il y a une dizaine d'années à mon premier Futura (je ne me rappelle plus l'année, mais j'y ai découvert Luc Ferrari, "Presque rien (1 et 2)", avec le grillon et cette phrase qui s'est gravée immédiatement dans ma mémoire : "ainsi continue la nuit dans ma tête multiple"), en provenance directe de la planète trash/noise/indus (*) pour m'apercevoir à mon grand soulagement qu'à part l'évident respect pour l'écoute de autres, il n'y avait pas d'autre règle, explicite ou non : on peut venir en costume ou en short ; on peut écouter sagement assis sur sa chaise ou vautré sur son tapis ; on peut même déambuler en silence si on en a envie. Pour avoir pratiqué depuis quelques autres manifestations de la planète acousmatique, ce point mérite absolument d'être souligné. Quitte à passer pour trivial, rappelons aussi que les billets sont à des prix dérisoires (5 euros le concert mais surtout 15 euros pour les quatre jours du festival ...).

  • exigeant ; par sa programmation qui maintient depuis des années le difficile compromis entre les pièces "de répertoire" (cette année, par exemple, La Divine Comédie de Bayle/Parmégiani, Far West de Luc Ferrari, Voyage Initiatique de Pierre Henry) et des pièces plus récentes (et aussi des créations) de compositeurs moins connus ; programmation qui offre un véritable panorama sur l'ensemble des sensibilités de l'univers des musiques acousmatiques, un véritable tour de force que de réunir des pièces aussi différentes que la pièce radiophonique délicatement militante de Woudi Tat (4') uniquement composée de paroles de sans-papiers de France (et qui se termine par cette phrase, dite d'une voix si douce et que je cite de mémoire : "Il faut peut-être encore attendre pour qu'ils se rendent compte qu'on a besoin d'aide") et Nara (110'), pièce quasi-intemporelle de Bertrand Dubedout. Qu'un tel panorama aille bien au-delà des goûts et choix esthétiques de son programmateur est une évidence et c'est tout à l'honneur de Vincent Laubeuf de poursuivre dans ce sillon tracé par Denis Dufour. Exigeant aussi par l'instrument unique que constitue l'acousmonium Motus (100 haut-parleurs, 74 voix de diffusion) mais surtout par son équipe d'interprètes qui se renouvelle lentement d'année en année, au service de ce véritable instrument que chacun fait sonner à sa façon personnelle au service des œuvres et de leurs compositeurs. Ouverture aussi à des pièces composées sans référence particulière à la projection acousmatique ; les pièces de Laurent Ho (représentant par excellence de la scène techno hardcore, invité en 2000 si ma mémoire est bonne) ou de Ryoji Ikeda, par exemple.

  • minoritaire ; évidemment, la musique acousmatique n'a pas l'audience d'autres musiques ; peut-être même a-t-elle vu son audience baisser depuis le début des années 70, tant il est vrai que le public se passionne toujours plus pour l'aspect spectaculaire de la brèche fendue, par Pierre Henry en particulier et sa "Messe pour le temps présent", dans la muraille de "la musique classique" que pour l'extérieur infini que cette brèche, une fois ouverte, a offert.



Qu'importe ! Avec un festival comme Futura, cette minorité a trouvé la plus belle façon de rester elle-même et de vivre à la hauteur de ses ambitions : offrir ce qu'elle a de meilleur à tous, sans condition.


Elitiste, Futura ? Allons donc ... ou alors sous la forme de l'oxymore fameux de "l'élitisme pour tous" !



(*) sur la foi d'un entrefilet du bulletin du défunt label Fat butt without love dont le nom seul devrait suffire à indiquer que sa ligne éditoriale avait peu à voir avec celle du bulletin d'information de la DRAC IdF !