lundi 19 juillet 2010

In memoriam to identity -- Kathy Acker (1947-1997)


Near are we, God,
Near and available.

Already grasped, God,
Digging claws into each other, as if
Our bodies
Are your body, God.

Pray, God,
Pray to us.
We`re near.

Distorted by emotion we went out there;
We were out there just to bend
Our asses over abyss and ditch.

It was blood, it was what
You dropped in the gutter, God

It shone.

It flashed your picture in our eyes, God;
Eyes and mouth fall empty and vulnerable, God.

We 've gotten drunk, God.
On the blood and on your picture
Which lay in the blood as if the blood was piss.

Get drunk, God,
We 're coming.




Un petit aperçu de la rage de Kathy Acker ; s'il ne fallait recommander qu'un seul de ses livres, je choisirais In memoriam to identity (Grove Press, 1990), dont ce qui précède est extrait, rien que pour le télescopage contrôlé ou plutôt l'hybridation lente et progressive de Rimbaud et Faulkner. Ce livre fut, comme toujours avec Acker, remarqué pour ses passages "sex and violence" ; pourtant, sa construction relève aussi (et c'est là le prodige) de la micro-chirurgie la plus délicate. Apparemment non traduit en français ...


Dans Le matricule des anges, à propos de la traduction française de Blood and guts in high school (1978) (Sang et stupre au lycée, traduit par Claro - qui traduit aussi Pynchon - aux éditions Laurence Viallet, 2005) Camille Decisier ne ratait pas la piste qu'il faut suivre pour entendre Kathy Acker, au-delà des lassantes baudruches post-modernes, post-beat ou post-féministes qu'on gonfle à son sujet :

L'incandescence du propos tient à son analyse brillante, farouchement optimiste, du désir, si minable soit-il, vu comme une bombe à retardement, une machine bouleversante capable de faire sauter des secteurs sociaux tout entiers.
La flaque de violence et d'émotions écrabouillées à laquelle elle compare le matérialisme, et dans quoi surnagent, isolés, les excréments misérables de ce que nous appelons nos désirs, renvoie à des évidences dont la formulation exige du courage. « Chaque jour, un outil affûté, un puissant destructeur, est nécessaire pour chasser la morosité, la lobotomie, le bourdonnement, la croyance en l'être humain, la stagnation, les images et l'accumulation. Quand nous cesserons de croire en l'être humain, quand nous préférerons penser que nous sommes des arbres et des chiens, nous commencerons à être heureux. »