lundi 26 avril 2010

Le Dépeupleur - Storm Varx -- Les Instants Chavirés (3 avril 2010)


Le plaisir de retrouver les Instants, pas beaucoup de monde mais une petite colonie quand même, avec un bout de comptoir qui rigole doucement en polonais. Bon point, Kasper T et Zbigniew K aka Le Dépeupleur sont là.

C'est Storm Varx qui commence, grande bonne surprise, au projecteur envoyé droit dans les yeux du public près, gimmick free-parteux très acceptable en situation sauf qu'aux Instants, il n'y a guère la place pour s'écarter, sauf à aller siéger au bar. Un son comme un énorme serpent métallique déroulant anneau sur anneau dans une progression vers des sonorités très stridentes et agressives portées par une superposition très serrée de pulsations basses, un reflux de ces stridences qui laisse face à l'énormité des basses cognant infiniment comme les vagues d'un océan devenu fou puis qui lentement s'éloignent. Silence ... et extinction du projecteur ! Très beau set.



Le Dépeupleur (KT + ZK) aux Instants Chavirés
photo Atau Tanaka


Drôle d'idée pour Le Dépeupleur (*) de sortir leur son via une table de mixage; un peu riquiqui tout de même ! Vingt excellentes premières minutes où les deux compères agissent minimalement sur leurs réglages pour laisser se dérouler une musique abrasive et soyeuse à la fois, vraiment envoûtante, puis Karkowski décide d'aller se coucher laissant Toeplitz finir le set un rien en pilotage automatique. Un peu dommage, mais le début du set valait le déplacement.




(*) Le nom est bien sûr un hommage à Samuel Beckett et à ce texte publié chez Minuit dont voici le début :

Séjour où des corps vont cherchant chacun son dépeupleur. Assez vaste pour permettre de chercher en vain. Assez restreint pour que toute fuite soit vaine. C’est l’intérieur d’un cylindre surbaissé ayant cinquante mètres de pourtour et seize de haut pour l’harmonie. Lumière. Sa faiblesse. Son jaune. Son omniprésence comme si les quelque quatre-vingt mille centimètres carrés de surface totale émettaient chacun sa lueur. Le halètement qui l’agite. Il s’arrête de loin en loin comme un souffle sur sa fin. Tous se figent alors. Leur séjour va peut-être finir. Au bout de quelques secondes tout reprend. Conséquences de cette lumière pour l’oeil qui cherche. Conséquences pour l’oeil qui ne cherchant plus fixe le sol ou se lève vers le lointain plafond où il ne peut y avoir personne. Température. Une respiration plus lente la fait osciller entre chaud et froid. Elle passe de l’un à l’autre extrême en quatre secondes environ. Elle a des moments de calme plus ou moins chaud ou froid. Ils coïncident avec ceux où la lumière se calme. Tous se figent alors. Tout va peut-être finir. Au bout de quelques secondes tout reprend. Conséquences pour les peaux de ce climat. Elles se parcheminent. Les corps se frôlent avec un bruit de feuilles sèches. Les muqueuses elles-mêmes s’en ressentent. Un baiser rend un son indescriptible. Ceux qui se mêlent encore de copuler n’y arrivent pas. Mais ils ne veulent pas l’admettre. (...)

Changez les yeux pour des oreilles, les corps pour des sons ; ce qui précède fait une très convenable évocation de la musique des deux compères !