mercredi 7 avril 2010

architecture et (beaucoup) plus si affinités ...


... sur cet excellent blog !

Pour vous en convaincre, commencez par , pas tout à fait au hasard ! L'occasion de donner le poème en entier :


Quatrième élégie du Nord

Trois époques ont les souvenirs.
Comme hier est la première époque.
Sous leurs voûtes bienheureuses est l'âme
Comme l'ombre est douce pour le corps.
Résonne encore le rire, coulent les larmes,
Sur la table la tache d'encre est toujours là,
Comme un sceau sur le coeur repose le baiser,
Unique et inoubliable est le baiser d'adieu…
Mais cela ne dure guère...
Déjà la voûte n'est plus au-dessus de nous.
Une maison isolée quelque part en banlieue
Si froide l'hiver, si chaude l'été,
Avec une araignée et partout de la poussière,
Où les lettres d'amour jaunissent et s'abîment,
Où en catimini les portraits changent :
Là, les gens vont comme sur une tombe,
Puis, de retour chez eux, ils se lavent les mains,
Et ils effacent une larme au bord des paupières
Lourdes, et longuement soupirent.
Mais passe le temps, se suivent les printemps,
Rosit le ciel, des villes le nom change,
Et les témoins là ne sont plus. Personne
Pour partager pleurs et souvenirs.
Et lentement disparaissent les ombres
Celles que nous n'invoquons plus,
Car leur retour serait pour nous effroi.
Un matin, au réveil, nous comprenons
Que même le chemin vers la maison isolée
Nous l'avons oublié,
Et, suffoquant, de honte et de colère,
Nous y courons, mais comme dans un rêve
Tout diffère là-bas : les hommes, les objets,
Les murs, nous sommes devenus des étrangers.
Nous nous sommes trompés... Mon Dieu !
Et comme est alors grande l'amertume : ce passé
N'a plus sa place dans le cadre de notre vie :
Il nous est indifférent comme à notre voisin de palier.
Les morts, nous ne pourrions les reconnaître,
Et ceux que Dieu n'a pas voulu nous garder
Se sont même fort bien passés de nous.
Tout est pour le mieux...

(5 février 1945, Leningrad.)

Anna Akhmatova, Quatrième élégie, in Élégies du Nord, Course du temps. Traduction inédite de Sergiu Venturini (reprise d'ici).




Et parmi la collection de liens très pointus que propose ce site, passez par celui-ci si JG Ballard vous intéresse.