vendredi 26 février 2010

Poètes pour Haïti


Le tableau miraculé
A Dany Laferrière

A Port-au-Prince un peintre naïf est mort
Son tableau a survécu – miracle ou hasard
Le monde est désormais un dessin inanimé
Peu importe que les arbres remuent leurs feuilles
Dans ce chaos de décombres
Nous regardons déjà ailleurs vers l’apothéose de notre volonté
Devant nous la lumière éblouit la rétine de nos songes
De ton pays balafré j’entends le piétinement d’un troupeau
La chute des fruits secs surpris par un séisme
L’aventure d’un cours d’eau détourné par la faille
L’envol des passereaux vers des cieux incertains

Mais voici que le fantôme d’un sinistré couvert de gravats
Erre avec la pierre qui est tombé du ciel sur sa tête
On dit que c’est le Seigneur qui se débarrassait des fondations de l’immensité
Qu’Il a jeté son dévolu dans ce périmètre si étroit
Qu’on appelle Haïti

Le crayon du bon Dieu n’a pas gomme
Celui de l’Homme si
Avec mon fil et mon aiguille
Je recouds les failles de la fraternité
En attendant le prochain Soleil…

Alain Mabanckou
New Delhi





Poètes pour Haïti, dont est extrait le poème ci-dessus, est un recueil de poèmes, téléchargeable en ligne contre une promesse de don, né de cet appel :

« Toute douleur qui n’aide personne est absurde ».
André Malraux

Déjà plus de 150,000 haïtiens morts, c’est le décompte macabre du jour, officiellement annoncé.
Des blessés, par centaines de milliers. Un pays au coeur des ténèbres ?
Le monde voit en direct des regards tremblants devant la béance qui s’est ouverte à Haïti.
Le monde a bougé sur son socle. L’île saccagée a fait de nous tous des humains meurtris. Oui, l’’île est nôtre.
Elle dit nos visages livrés à l’incertain de la vie.

Que peuvent les poètes ?
Certes s’émouvoir, certes se demander pourquoi tant de souffrances sur la peau d’un peuple déjà nu.
Sartre avait parlé des damnés de la terre…
Le poète pourrait poursuivre : il y a des damnés du tremblement de terre.

Que peuvent les poètes ?
Certes écrire.
Dire l’innommable. L’insondable souffrance.
Partager ce cri intérieur, l’ouvrir au monde pour qu’il soit l’acte de solidarité espéré.
Puisque l’internet nous le permet, nous passons de la douleur en mémoire, de la souffrance en espoir. Une chaîne de mots solidaires naît peu à peu…

Et debout avec les Haïtiens, nous préservons la créativité devant l’anéantissement supposé. Et nous proposons avec ce présent recueil le premier livre humanitaire en ligne. Car il n’y a pas d’écriture sans l’humain, sans ce sens fondamental de lire avec l’autre, en l’autre, d’écrire et de partager le peu de substance qui nous lie, qui nous relie au poème frissonnant du monde, le seul qui vaille : la fraternelle poésie.

Nous espérons que ce don trouvera la faille généreuse du cœur au cœur, pour que le peuple haïtien sente que les poètes les aiment, qu’ils témoignent et contribuent à la reconstruction de cette île dont nous sommes tous les enfants jetés sur les routes de la douleur et de l’espoir sans cesse recommencés.

Dana Shishmanian, Khal Torabully, anonyme,
Paris, Vaulx Village, Genève,
25 janvier 2010

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