mardi 8 décembre 2009

Vers un sur-fascisme vert ?


Titre (un rien) prétentieux, histoire de pointer vers cette présentation par Régis Poulet de La structure psychologique du fascisme, article de Bataille paru en 1933 dans La Critique Sociale (disponible aux éditions Lignes).

Je crois bien que le terme de sur-fascisme est de Bataille lui-même, forgé (à l'époque de Contre-Attaque) à partir de sur-réalisme pour indiquer un mouvement de dépassement du fascisme rendu possible par la compréhension et la maîtrise des forces que celui-ci met en jeu (voir le très bel article de Jean-Michel Besnier, Georges bataille et la modernité : « la politique de l’impossible »).


Ci-dessous, la conclusion de cette présentation :

Il n’est que de considérer notre monde en ce début de XXIe siècle pour voir la dissociation progresser de toutes parts en lien avec, d’une part, la crise du système de production (c’est-à-dire de l’homogénéisation sociale), et d’autre part, la crise environnementale. Cette dernière touche non seulement à l’homogène social mais aussi, et surtout, à l’hétérogène. Sous l’effet des forces de dissociation (bulle spéculative, chômage, famine, etc.), on assiste à une expansion de forces hétérogènes qui brisent l’homogénéité sociale à tous les niveaux (local, national et mondial) par la perte des solidarités autres que de forme impérative et destructive (la gloire à travers l’idole, le nationalisme, le racisme). La montée des fascismes semble bien réelle : dans une société homogène dont l’utilité, la production et l’argent sont la mesure, l’homme est aliéné et ne vaut que comme marchandise : c’est par exemple le reproche principal fait à la construction européenne ; cette société homogène est « incapable de trouver en soi-même un motif d’exiger et d’imposer son existence », si bien que la dissociation progresse. Mais trouve-t-on une ébauche de subversion de type révolutionnaire, de révolution ouvrière ? Rien de tel, car encore une fois, et Bataille l’avait bien vu, les forces dissociées (bourgeois, petits-bourgeois que sont les petits porteurs, etc.) collaborent à la concentration des forces militaire et religieuse dans un même pouvoir.
Selon le type de société fascisante dont on parle, le pouvoir est soit incarné par un chef qui, en plus d’être le chef des armées est le lieutenant (tenant lieu) d’un dieu ; soit incarné par un homme qui, au plan ‘religieux’, concentre la maîtrise du symbolique dans ses mains (empire sur les médias) et est aussi chef des armées et/ou chevalier d’industrie. Les forces hétérogènes des fascismes sont très actives et se révèlent ouvertement par l’exclusion des classes jugées impures : les réfugiés, les étrangers, ceux qui ne sont pas même comptés dans les statistiques de l’emploi et à propos desquels Bataille écrit que « la violence sans espoir des réactions prend immédiatement la forme d’un défi à la raison » (25), mais aussi les mécréants.
A la manifestation des forces hétérogènes dans le champ politique sous la forme fasciste, c’est-à-dire au constat de l’insuffisance de l’homogène pour l’homme, donc de la nécessité de l’incommensurable, de l’hétérogène, nous pourrions envisager d’associer les forces affectives (hétérogènes) aux forces de cohésion (homogènes) à une échelle qui serait à la fois locale et universelle et qui subvertirait notamment l’approche biocentriste de la crise environnementale. En nous laissant guider par le mot de Nietzsche : « Mes frères, restez fidèles à la terre, avec toute la puissance de votre vertu ! Que votre amour qui donne et votre connaissance servent le sens de la terre. Je vous en prie et vous en conjure. » En une sorte d’internationale ‘verte’ qui allierait le commensurable de la Terre en ses problèmes écologiques (vision scientifique et technique propice à l’homogénéisation) et l’incommensurable de l’existence affective et effective du corps de la Terre (présence du sacré, de l’improductif et du démesuré, donc de l’hétérogène), – et à condition d’« orienter les réactions hétérogènes dans un sens contraire aux formes impératives » – il devrait être possible de subvertir les modes de pensée et d’existence au profit de l’émancipation des vies humaines et non-humaines (tout autres).


Toujours ce thème désormais familier des déchirures, des marges, de la dissociation mais cette irruption finale du "sur-fascisme vert" me laisse un peu perplexe.


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