mercredi 4 novembre 2009

"Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de “nouvelles frontières” qu’il n’y a plus de marges - pour la domination." -- Alain Brossat


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On a trop tendance à imaginer que la réduction à l’infime des marges de manoeuvre qui étaient ouvertes aux stratégies réformistes classiques est égale à la disparition de toute espèce de “réserve” pour les gouvernants, pour l’institution politique. Mais non, ce sont constamment de nouvelles marges qui se découvrent - précisément là où l’on n’en soupçonnait pas l’existence. De nouvelles ressources apparaissent, là où précisément se montraient jusqu’alors des failles, des points de faiblesse, des menaces pour le système. La plasticité, la faculté d’improvisation et d’expérimentation permanente irriguent la résistance infinie du système à son entropie. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de “nouvelles frontières” qu’il n’y a plus de marges - pour la domination. Celles-ci ne constituent pas un extérieur, un en dehors, mais plutôt un bord flexible à partir duquel peut être recomposée l’opérativité du système mise à mal par l’accumulation des “crises” et des dysfonctionnements. L’efficace, envers et contre tout, de ces mécanismes de régulation à partir des bords, à partir des marges les plus improbables est ce qui empêche la violence d’éclater, massivement, au coeur des édifices fatigués de la domination. Le paradigme états-unien est, de ce point de vue, éclairant, illuminating, comme ils disent : ce sont, d’une manière croissante, des allogènes, des pièces rapportées ou bien, en vieux grec, des “métèques” qui font tourner la baraque, du haut de l’édifice au corps expéditionnaire en Irak. Et ça marche ! De ce point de vue, il faut le dire sans ambages : tous les prêcheurs de “diversité” qui pensent que “les choses vont mieux” avec quelques préfets d’origine maghrébine, une poignée de ministres descendants d’anciens colonisés et demain, qui sait, une femme présidente de la République ou un gay Premier ministre (on a déjà tâté de l’ex-trotskiste, dans le rôle) sont des simples d’esprit. Tout au contraire, en chacune de ces occurrences, susceptibles de se multiplier à l’infini, c’est, pour le système et ses “parleurs” l’occasion de se donner du mou en entonnant un péan à la tolérance. C’est, sous ce régime de tolérance généralisée, le bloc des violences instituées et cachées qui s trouve renforcé et remis en selle. On pourrait appeler cela le double paradigme Condoleeza Rice / Rachida Dati.
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Il est temps de le dire : le moralisme antiviolence qui prospère dans nos sociétés, entretenu notamment par les élites de tout bord, promptes à faire porter à tout acte politique violent la marque du barbare, est, entre autres choses, un moyen de domestication des espèces rebelles, celles qui, par position, sont les plus sensibles à la dimension de l’intolérable dans ces configurations contemporaines. Le moralisme antiviolence est un dispositif idéologique destiné à faire en sorte que l’insupportable soit supporté quand même - au nom des normes civilisées, de la tolérance, de l’horreur du fanatisme, de la promotion des droits de l’homme, etc. Le moralisme antiviolence est ce discours anesthésiant qui vise à convaincre les offensés, les spoliés, les méprisés que le seul courage dont ils puissent faire preuve est celui qui consiste à endurer, à rester à leur place et à tirer les partis qu’ils peuvent de leur condition de “victimes”.
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Le reste est .
Et puis , et .

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