jeudi 15 octobre 2009

Parce que ...


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l'actualité de France Télécom ne m'est pas indifférente, je vais faire parler un mort, n'en déplaise à LP Wenès :

Le capitalisme ne se suicide pas, on le suicide, et pas en soufflant dessus. Ses monuments sont mieux plantés en terre que la muraille de Jéricho des légendes. La chanson humanitaire que tant de dromomanes s'en vont chanter de par le monde, les petits cantiques du pacifisme bondieusard, voilà qui non seulement n'ébranlera point les pierres officielles, mais au contraire vise à cimenter d'opportunisme, de résignation, les moindres moellons, les plus infimes parcelles de ce qu'il s'agit d'abattre.
Le mensonge libéral, produit spécifiquement français, on sait ce qu'il vaut, ce qu'il nous vaut. On n'a pas oublié ce qu'il nous a valu. On peut prévoir ce qu'il nous vaudra. La France se pose en championne de la liberté individuelle, c'est-à-dire elle entend plus que jamais défendre la liberté de quelques individus, minorité d'exploiteurs dont le bon vouloir et les caprices ne demandent qu'à continuer de s'exercer aux dépens des exploités.
Si les exploiteurs n'aiment pas toucher au bas de laine, entamer le magot, (connais-tu le pays où fleurit l'avarice ?) ils sont, par contre, prodigues de belles paroles (connais-tu le pays où fleurit l'éloquence ?) Des mots, toujours des mots, des mots qui ont perdu toute valeur. On est en pleine inflation verbale. Cette fausse monnaie à peine fabriquée, son effigie prometteuse, déjà, s'encrasse. Ses traits s'effacent. Avec ce qui en demeure, on ne saurait reconstituer un visage. En parler bourgeois, rien n'a plus de sens, ne veut plus rien dire, ou plutôt n'a de sens, ne veut dire que par grimaçante, odieuse antiphrase.

René Crevel in "Les pieds dans le plat" (1933)

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