lundi 12 octobre 2009

Mit wechselndem Schlüssel -- Paul Celan


Mit wechselndem Schlüssel
schliesst du das Haus auf, darin
der Schnee des Verschwiegenen treibt.
Je nach dem Blut, das dir quillt
aus Aug oder Mund oder Ohr,
wechselt dein Schlüssel.

Wechselt dein Schlüssel, wechselt das Wort,
das treiben darf mit den Flocken.
Je nach dem Wind, der dich fortstösst,
ballt um das Wort sich der Schnee.


(in Von Schwelle zu Schwelle, 1955)



Avec une clé changeante

Avec une clé changeante
tu ouvres la maison, dans laquelle
tournoie la neige des choses tues
Et au gré du sang, qui sourd
des yeux ou de la bouche ou de l'oreille,
ta clé change.

Change ta clé, change le mot,
qui doit suivre le tournoiement des flocons.
Au gré du vent qui te pousse en avant,
s'enroule autour du mot la neige

(traduction donnée sur le site esprits nomades aka Gil Pressnitzer; s'il faut l'effacer, voir l'adresse dans le profil, merci.)




De la clef qui fluctue

De la clef qui fluctue,
tu ouvres une maison
où souffle la neige de ce qui est tu.
Et, au gré du sang qui te viendra
des yeux, des lèvres ou de l’oreille,
fluctue ta clef.

Fluctue ta clef, fluctue le mot
qui parmi les flocons souffle en liberté.
Et, au gré du vent qui te balaie,
autour du mot la neige est réunie.

(traduit par André du Bouchet, Mercure de France, 1986;
s'il faut l'effacer, voir l'adresse dans le profil, merci.)




Aucun doute : pour moi entre ces deux traductions, ce sera la première !
Celle d'André du Bouchet me paraît inutilement chantournée et moins fidèle ("wechseln", c'est simplement (!!! voir plus bas) "changer", sans rien des connotations liquides que convoque "fluctuer"; "quilt", au contraire, c'est bien couler comme la source (die Quelle), ce que "sourd" rend parfaitement et que "venir" aplatit sans pitié).


Kerry J. Cox, dans sa thèse (ou mais ces liens sont apparemment morts), à propos de ce poème :

In the poem MIT WECHSELNDEM SCHLÜSSEL (GW I, 112), snow wraps itself around the word. This poem is replete with snow imagery, from the words Schnee to Flocken. It describes the house of the German language and the efforts of the poetic voice to gain admittance. Within this figurative house reside the true elements of speech.
(...)
The snow in this poem functions protectively by encasing the word, "ballt um das Wort sich der Schnee." This "Wort" encapsulates many of the same properties as the snow, which, like the poetic voice in the preceding line, is driven back by the wind. The snow's breathy quality resembles that of an oral word. As it coats the word or speech, the snow lends many of its own properties to language. Snow and speech attempt to work their way into the "house of language." "Wechselt dein Schlüssel, wechselt das Wort, / das treiben darf mit den Flocken." Herein lies the "snow of what has been muted." The snow permeates the "house of speech" and surrounds the word, granting its silent quality to language.




On peut aussi revenir un instant sur "wechseln"; "changer" mais aussi "échanger" : changer comme "changer de l'argent", par exemple. Et puis, "wechselnd", c'est aussi aussi "instable", "qui a le pouvoir de (se) changer".
"Convertible", comme une devise ? Pas si "simple" qu'indiqué plus haut !

Une clé "instable", "qui (se) change", un mot "qui s'échange" ? C'est un autre univers qui se met à chuchoter, celui du "passe-partout" et du "mot de passe". Juste à titre d'hypothèse :

Avec un passe-partout

Avec un passe-partout
tu ouvres la maison, dans laquelle
tournoie la neige des choses tues
Et au gré du sang, qui sourd
des yeux ou de la bouche ou de l'oreille,
partout, passe.

Passe-partout, mot de passe,
qui doit suivre le tournoiement des flocons.
Au gré du vent qui te pousse en avant,
s'enroule autour du mot la neige


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