jeudi 17 septembre 2009

Quelle démocratie ? -- Cornelius Castoriadis


Les Carrefours du Labyrinthe s'ouvrent sur cette déclaration de principe aussi peu platonicienne que possible:
"Penser n'est pas sortir de la caverne, ni remplacer l'incertitude des ombres par les contours tranchés des choses mêmes, la lueur vacillante d'une flamme par la lumière du vrai Soleil. C'est entrer dans le Labyrinthe (...). C'est se perdre dans des galeries qui n'existent que parce que nous les creusons inlassablement, tourner en rond au fond du cul-de-sac dont l'accès s'est refermé derrière nos pas -- jusqu'à ce que cette rotation ouvre, inexplicablement, des fissures praticables dans la paroi." (Les carrefours du labyrinthe, tome 1)

Toute l'oeuvre (et c'est énorme !) de Castoriadis témoigne de cette approche de l'approfondissement progressif des sujets "en tournant autour".

"Quelle démocratie ?" est un article finalement assez lugubre, qu'il faut absolument lire en entier et dont j'extraie ci-dessous les dernières pages, à verser au dossier sur l'état de la démocratie; tout comme le livre de Gilles Châtelet, cela a vingt ans ... bien plus sans doute dans le cas de Castoriadis ! Le lien avec les analyses d'André Gorz est bien sûr évident.


Cet article est inséré dans le tome 6 (posthume) des Carrefours du labyrinthe: "Figures du pensable", disponible, comme tous les autres, en Points/Seuil (11€).









Lugubre, certes, mais il est également particulièrement rafraichissant de voir comment Castoriadis expédie en quelques lignes Rousseau ou Tocqueville, comment il enterre rapidement l'objection "démocratie = consentement, satisfaction, assentiment de tous ou du plus grand nombre" pour revenir au plus près de son sujet tel qu'exprimé dans son titre. Quand nous parlons aujourd'hui de démocratie, de quoi parlons-nous ? Quel avenir pour l'autonomie dans un cadre social qui produit de l'assentiment informe en masse (les "citoyens-thermostats" de la "thermocratie" de Gilles Châtelet) ?


Le dernier paragraphe sonne un peu comme un testament. A chaque lecture, je le reçois (à mon modeste niveau !) comme un rappel à l'ordre:
"Ce dont il s'agit, donc, est tout autre chose que de gérer tranquillement le consensus existant, augmenter millimétriquement les "espaces de liberté" ou revendiquer "de plus en plus de droits". Comment le faire est une autre affaire. Un grand mouvement politique collectif ne peut pas naître par l'acte de volonté de quelques-uns. Mais, aussi longtemps que cette hypnose collective dure [ndlc: "la représentation du monde comme objet d'une maîtrise croissante ou comme décor d'une anthroposhère"], il y a, pour ceux parmi nous qui ont le lourd privilège de pouvoir parler, une éthique et une politique provisoires: dévoiler, critiquer, dénoncer l'état de choses existant. Et pour tous: tenter de se comporter et d'agir exemplairement là où ils se trouvent. Nous sommes responsables de ce qui dépend de nous."

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